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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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communs.
    Sa réclusion pesait à Bartolomeu Dias et il avait supplié le
Génois de passer cet après-midi et les après-midi suivants en sa compagnie, lui
jurant qu’il ne le regretterait pas. Il n’avait pas menti. Ce qu’il avait
appris à son interlocuteur avait bouleversé celui-ci. Après des décennies et
des décennies de patientes explorations et de tâtonnements, d’échecs et de
demi-succès, lui, Bartolomeu, était enfin arrivé à la pointe du continent
africain et avait trouvé le passage entre la mer Océane et celle qui conduisait
vers l’Inde. Il avait longé la côte depuis la baie des Tigres, là où l’avait
conduit son précédent voyage, puis s’était laissé dériver en direction de
l’ouest avant de changer de cap et de se laisser pousser par un fort vent de
nord-ouest jusqu’à une baie d’où il pouvait voir les terres s’étendre à
l’infini en direction du nord. Il avait surnommé l’endroit le Cap de
Bonne-Espérance et avait entrepris de remonter sur quelques dizaines de lieues
ces nouveaux rivages. Il avait cependant jugé prudent de s’arrêter et, après
fait provision d’eau et de viande auprès des naturels de l’endroit, il avait
cinglé vers Lisbonne en faisant étape à La Mine et à Boa Vista.
    Quand il eut terminé ce récit, il dévisagea le Génois qui
tenait sa tête dans ses mains et soupirait de rage :
    — J’ai beaucoup pensé à vous, Cristovao ! Pour une
simple et évidente raison : mon navire était le Santo Cristovao, une
belle caravelle qui a résisté du mieux qu’elle a pu aux coups de vent et aux
formidables vagues qui manquèrent plus d’une fois de nous faire chavirer. J’ai
songé à nos discussions et à votre rêve fou de parvenir jusqu’à Cypango. Je
vous ai devancé. Si vous étiez resté au service du Portugal, je ne doute pas un
seul instant que vous auriez été associé à cette expédition. Je l’aurais
d’ailleurs demandé et j’aurais eu gain de cause. Mais votre obstination et
votre impatience ont causé votre perte. Vous avez le grand tort de ne pas
savoir attendre.
    — Je ne puis que vous féliciter et ce du plus profond
de mon cœur. Vous êtes un bon capitaine et un excellent navigateur ainsi qu’un
cartographe expérimenté, comme le prouvent les portulans et cartes que vous
venez de me montrer. Vous méritez les plus grands honneurs pour cet exploit. Ce
ne serait que justice. Mais, au risque de vous chagriner, cela ne change rien à
mes projets. Je suis persuadé que la route la plus courte pour Cypango passe
par l’ouest et, ne vous en déplaise, j’en apporterai la preuve !
    — Ne vous laissez pas à nouveau emporter par le dépit
et la colère. Faisons la paix, enfin, c’est une façon de parler, puisque nous
ne sommes pas en guerre. Je vous propose d’unir nos efforts. On m’a laissé
entendre que je pourrais me voir confier de lourdes responsabilités. Vous
savoir auprès de moi allégerait mon fardeau.
    Cristovao avait été ému par la sincérité de la proposition.
Ce Dias était décidément un brave homme, en dépit de ses manières un peu rudes
et de son caractère peu commode. Il n’avait dit ni oui ni non. La proposition
méritait réflexion et ils s’étaient revus, observés de loin par le frère
Juliao. Celui-ci avait vieilli et paraissait dévoré par le doute ou par le
remords. Il avait perdu son bel enthousiasme et même sa passion pour les
livres. C’est à peine s’il avait jeté un œil sur une édition de la Cosmographie de Ptolémée que Cristovao avait spécialement achetée à son attention. Il l’en
avait certes remercié mais n’en avait plus parlé avec lui. Un soir, il s’était
laissé aller à d’étranges confidences :
    — Je me demande si je ne suis pas atteint du même mal
que Dona Felippa. Je ne trouve plus goût à la vie. J’ai beau rechercher du
réconfort dans la prière, et Dieu sait si je me rends fréquemment à la
chapelle, je suis taraudé par le doute et une profonde lassitude me ronge.
    — Tu trouveras en toi la force de surmonter cette
épreuve. Pourquoi ne te rendrais-tu pas en pèlerinage à
Saint-Jacques-de-Compostelle ou à Rome ? Voyager est le plus sûr des
remèdes, j’en sais quelque chose.
    — À quoi bon ? Je me vois mal errer sur les routes
et changer chaque jour de lieu de résidence, trembler à l’idée de ne pas
trouver un gîte ou frémir en me demandant si des brigands ne m’attendent pas au
sortir d’une forêt.

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