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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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une seule et bonne raison : la défaite qu’elle
infligea aux Vénitiens et aux Pisans au large de Korcula, dans l’Adriatique.
Durant cette bataille, vos aïeux capturèrent l’un des hommes les plus
remarquables que la terre ait portés, messire Marco Polo. Durant sa captivité
dans vos prisons, il a raconté ses incroyables pérégrinations à l’un de ses
compagnons d’infortune et celui-ci les a mises par écrit. Je me suis procuré
une copie de son Devisement du monde, il y a de cela plusieurs années,
et je le lis et le relis avec toujours le même émerveillement. Bien entendu,
vous connaissez ce texte.
    Cristovao, qui s’était laissé gagner par la douce chaleur du
feu ronflant dans la cheminée, sursauta. Marco Polo, bien sûr, il avait entendu
parler de ce marchand que ses concitoyens surnommaient « Messer
Millione » pour se moquer de ses récits sur les fabuleuses richesses du
Grand Khan dont il prétendait avoir été le conseiller très écouté. À Chio, il
avait vu un vieux marin sortir de son coffre un cahier relié en cuir et lire à
ses compagnons, qui l’écoutaient bouche bée, certains passages où il était
question d’hommes à tête de chien et d’animaux tous plus extraordinaires les
uns que les autres. Il avait observé la scène de loin car les matelots
n’aimaient pas qu’un commis se mêle à leurs conversations. Il avait toutefois
été étonné de la gravité avec laquelle ils prêtaient l’oreille à cette lecture,
esquissant parfois un signe de croix quand il était question des divinités des
idolâtres. La magie des mots opérait sur ces durs à cuire, pourtant insensibles
aux sermons des prêtres.
    Se souvenant de cette scène, il feignit de prendre de haut
son interlocuteur. Oui, ses maîtres, à l’université de Pavie, expliqua-t-il,
lui avaient parlé de Marco Polo mais tenaient en très piètre estime le
Vénitien. C’était un affabulateur qui s’était contenté de recopier les écrits
du sublime Pline l’Ancien quand il n’avait pas purement et simplement inventé
certains détails. Pour le dire tout net, et Cristovao était sur ce point bien
d’accord avec ses doctes professeurs, l’homme avait eu l’audace de contredire
les sages conclusions auxquelles étaient parvenus les Pères de l’Église, saint
Augustin ou Isidore de Séville par exemple. Or c’était sur eux et sur leurs
vénérables écrits que tout bon croyant devait s’appuyer pour comprendre le
monde.
    Joao de Coïmbra avait éclaté de rire :
    — Quel gentil petit clerc vous nous faites ! Vous
débitez avec conviction les pires niaiseries qu’on vous a fourrées dans la
tête, comme si c’étaient des vérités premières. Par ma foi, j’en viens même à
douter que vous vous trouviez dans la même pièce que moi. Après tout, ni
Augustin ni Isidore de Séville n’ont mentionné l’existence de cette île située
au-delà des limites du monde connu. Ils ignoraient pareillement l’existence de
Madère et des Açores dont mon cousin tire de très gros bénéfices qui lui
permettent de vous payer un salaire de misère. C’est bien la preuve que les
Anciens, que vous prétendez avoir étudiés, ne savaient pas tout. Nous avons
découvert Madère, les Açores et les Canaries. Il se pourrait qu’il existe
d’autres terres dont nous ne savons rien. Puisque vous avez été étudiant, vous
ne pouvez ignorer ce que Sénèque écrit dans sa Médée  : « Un
temps viendra au cours des siècles où l’Océan élargira le contour du globe pour
découvrir à l’homme une terre immense et inconnue. La mer nous révélera de
nouveaux mondes et Thulé ne servira plus de bornes à l’univers. » Bon, je
vous le concède, c’était un abominable païen et le maître de Néron. Mais,
enfin, monsieur l’étudiant, vous ne pouvez négliger ce qu’il dit.
    Cristovao détourna la tête pour cacher son trouble.
Impitoyable, Joao poussa son avantage :
    — Vous rêvez naturellement de faire fortune et
d’accomplir de grandes choses, du moins si vous n’êtes pas stupide et borné.
    — Certes, j’ai jadis rêvé de délivrer Jérusalem. C’est
là la plus noble mission que puisse se donner un Chrétien.
    — Vous en êtes encore à nourrir de telles
rêveries ?
    — Ce ne sont point des rêveries et vous devriez le
savoir mieux que quiconque !
    — Qu’insinuez-vous par là ? Que le fait que mes
parents soient juifs devrait me faire chérir plus que quiconque la

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