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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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leur. D’autres, tout en reconnaissant qu’elle n’est pas la seule, affirment,
par un attachement immodéré, comparable à celui d’une mère aux yeux de laquelle
il n’existe pas de plus beaux enfants que les siens, qu’il y a autant de
différences entre leur patrie et les pays étrangers qu’entre la vive clarté du
jour et les ténèbres de la nuit […]. Ceux qui se renvoient ainsi les uns les
autres les traits d’une grossière ignorance, mère de tous les vices, paraissent
plus proches des animaux sauvages que des humains. Mais les hommes qui ont
parcouru le monde ne tombent pas dans ces erreurs stupides et ineptes. Grâce à
leur expérience des choses humaines, ils gagent que le cours naturel des astres
est à peu près le même ailleurs que chez eux et que les hommes sont partout
régis par le destin et par la Fortune. N’est-ce pas admirable ? En
tous les cas, voilà qui devrait faire rougir de honte les ignorants !
    — Certes, cela est bien jugé. Malheureusement, ces
propos ne fournissent pas de réponse aux questions que je ne cesse de me poser
depuis qu’un ancien marin m’a parlé de terres qui se situeraient à l’ouest de
Madère.
    — Ce sont des contes de bonnes femmes ou d’ivrognes.
Ton homme avait dû boire plus que de raison.
    — C’est aller un peu vite en besogne. Après tout, Dom
Joao lui-même semble y croire.
    — C’est à ton tour de déraisonner. Le roi a toute sa
tête et, s’il ne dédaigne pas le vin, il en boit avec modération.
    — Ce n’est pas ce que je veux dire. Je n’ai pas
l’intention de manquer de respect à Dom Joao et encore moins à son père.
Pourtant Afonso V avait accordé en 1462 à l’un de ses capitaines la
possession de l’île de Saint-Brendan s’il la trouvait. Douze ans plus tard, il
en a fait cadeau à nouveau à Fernao Telles aux mêmes conditions.
    Frère Juliao poussa un soupir. Ainsi, son ami cédait une
fois de plus à ses lubies. À ceci près qu’il ne cessait de changer d’opinion à
ce sujet. Un temps durant, il paraissait y avoir renoncé. Il avait soutenu que
ces îles mentionnées par Pierre d’Ailly étaient des terres découvertes depuis
longtemps. Saint Brendan s’était en fait rendu aux îles Orcades, où il avait
fait lui-même escale en allant à Thilé. Quant à Antilia et l’île des Sept
Cités, c’étaient les Canaries. Des mois durant, Cristovao avait soutenu cette
idée avec une rare obstination, se fâchant dès que Juliao faisait mine de le
contredire.
    Il se souvenait encore de la polémique qui les avait opposés
lorsqu’il avait cru bon d’émettre une objection :
    — Je ne passe pas mes soirées à la taverne. Toutefois,
des marins me font aussi leurs confidences quand ils viennent se recueillir
ici. L’un d’entre eux m’a raconté ce qui était arrivé à son père à l’époque du
prince Enrique. Il s’était embarqué à bord d’un navire en partance pour Bristol
qui avait été pris dans une forte tempête et avait dérivé vers l’ouest. Ils
avaient alors abordé sur une terre dont les habitants parlaient la même langue
que nous. Ils avaient paru très surpris d’apprendre que nous ne vivions plus
sous le joug des Maures. Ne les croyant pas, ils avaient proposé à ce matelot
et à ses compagnons de rester avec eux et de leur octroyer des seigneuries.
Finalement, ils les avaient laissés repartir en déposant dans la boîte à feu du
navire de la poudre d’or en lieu et place de sable. Pour lui, il ne faisait
aucun doute qu’il avait trouvé l’île des Sept Cités.
    Cristovao avait alors ironisé :
    — Es-tu sûr que ton interlocuteur, en se réfugiant
derrière son père, ne cherchait pas à abuser de ta crédulité ?
    L’idée que des Chrétiens aient échappé aux Maures ne pouvait
que te plaire.
    — Tu oublies qu’il parlait à un prêtre.
    — C’est bien ce que je dis. S’il avait parlé à un meunier,
il lui aurait raconté je ne sais quelle fadaise sur des champs de blé poussant
au milieu des flots. Tes interlocuteurs ne sont pas tous des modèles de vertu,
à commencer par moi. Ce n’est pas parce que nous te parlons que nous te disons
la vérité. Sauf si tu nous entends en confession. Dans ce cas, il t’aurait été
interdit de me rapporter ce que t’avait dit le marin. N’ai-je pas raison ?
    Devant la mine décontenancée de son interlocuteur, il avait
poursuivi :
    — Je conclus de ton silence que tu ne l’as pas entendu
en

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