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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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rapidement fortune tous deux.
    Cristovao s’était laissé fléchir. Se souvenant qu’il avait
confié des fonds à Michele da Cuneo, il lui écrit pour lui demander de les lui
transmettre. À vrai dire, il ne se rappelait plus très bien la raison qui
l’avait poussé à laisser dormir des années durant cette somme rondelette qu’un
négociant génois, de passage à Lisbonne, lui avait remise tout en refusant de
lui donner des nouvelles de Michele, comme si ce dernier refusait d’avoir
désormais le moindre contact avec lui. Il en avait été déçu mais n’avait guère
eu le temps d’y songer. Muni de ce pécule, il avait pu racheter la part de
mestre Estevao et quitter son ancien employeur.
    Eleazar Latam avait même paru soulagé de le voir partir. À
vrai dire, les affaires du marchand juif avaient périclité. Les nobles,
auxquels il avait consenti de forts prêts ou pour lesquels il s’était porté
garant auprès de ses coreligionnaires de Castille, se faisaient tirer l’oreille
pour s’acquitter de leurs dettes. Il avait tenté d’obtenir satisfaction en les
traînant devant les tribunaux mais ceux-ci avaient accordé des délais de
paiement à ses débiteurs. Eleazar avait été contraint de réduire le volume de
ses activités et n’avait échappé à la ruine que grâce à la protection de son
riche et influent parent, José Vizinho. Chacun savait que mieux valait ne pas
contrarier le médecin du roi. Eleazar avait donc rendu sa liberté à son commis,
lui apportant même, en guise de cadeau, la clientèle de la Maison de La Mine et
des affaires de Guinée. C’était là un présent de prix. Car, ainsi que le
constata Cristovao, les activités du port de Lisbonne avaient beaucoup changé.
     
    *
     
    Le roi Joao II, sitôt monté sur le trône, avait publié
un édit interdisant à tout navire étranger de naviguer en direction du sud sur
la mer Océane, exception faite pour les bateaux castillans et aragonais,
autorisés à se rendre aux Canaries mais empêchés d’aller plus loin. Plusieurs
capitaines, qui avaient passé outre, l’avaient payé de leur vie, eux et leurs
équipages.
    Certes, Lisbonne voyait toujours affluer les navires en
provenance ou en direction des Flandres, de l’Angleterre et de la Provence.
Leurs capitaines et pilotes n’avaient guère besoin de cartes et de portulans
dont ils étaient abondamment pourvus. Certes, il continuait de s’en vendre dans
la boutique de mestre Estevao, mais ce n’était pas cela qui permettrait à
Bartolomeo de payer ses employés.
    Cristovao avait compris que ses clients étaient à la
recherche d’autres informations. Ils voulaient qu’on les renseigne sur les
courants et les vents, sur les départs des navires de leurs concurrents.
Surtout, ils souhaitaient connaître les mouillages discrets où ils pourraient
débarquer leurs marchandises sans avoir à payer au fisc de lourdes taxes.
    C’était un savoir que Cristovao avait acquis en fréquentant
assidûment les tavernes les plus mal famées où les marins se retrouvaient pour
noyer leur ennui et leurs chagrins dans le vin. Ils étaient toujours assurés de
trouver une place à sa table et de boire jusqu’à plus soif sans débourser la
moindre pièce. C’était une convention tacite entre eux. Il se gardait bien de
les interroger mais portait, sous des dehors distraits, une grande attention à
leurs propos décousus. Quand le vin leur déliait la langue, ils se montraient
impitoyables sur les défauts et les qualités des capitaines et des pilotes,
énuméraient en riant grassement leurs erreurs et leurs bourdes, et racontaient
les dangers auxquels ils avaient échappé. Surtout, ils dévoilaient des détails
d’eux seuls connus, l’emplacement de certaines criques, les ressources
inconnues de certains ports, les routes suivies par les corsaires, les récits
qu’ils avaient entendus de la bouche d’autres matelots. Cristovao avait ainsi
sursauté quand, un soir, un vieux loup de mer avait bredouillé que, perdus dans
une tempête au large des Açores, lui et ses compagnons, à court de vivres,
avaient survécu en péchant d’étranges fèves de mer portées par les flots depuis
l’ouest, des fèves au goût certes amer et désagréable mais comestibles. L’homme
avait craché de dégoût en les évoquant tout en affirmant qu’elles venaient
probablement de terres situées plus au ponant où des hommes les faisaient
pousser. Les autres matelots avaient ri grassement,

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