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Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Christophe Colomb : le voyageur de l'infini

Titel: Christophe Colomb : le voyageur de l'infini Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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l’homme de vigie claironner
« terre, terre ! ». Il reconnut distinctement au loin le contour
des côtes de Porto Santo qu’il décrivit soigneusement aux savants qui se
pressaient autour de lui. Ils y séjournèrent cinq jours, le temps de faire
provision d’eau fraîche, de fruits et de légumes. C’est à peine si son beau-frère,
Bartolomeo Perestrello y Moniz, consentit à lui adresser quelques mots. Il
était trop occupé à faire sa cour à José Vizinho et à lui expliquer l’injustice
flagrante dont il était la victime. Il prétendait avoir mis en valeur ses
domaines contre le souhait de sa famille et en avoir été bien mal récompensé.
La Couronne refusait obstinément de reconnaître ses mérites et de lui racheter
sa charge de capitaine-donataire pour lui confier celle de gouverneur d’une
ville de l’Algarve. Le médecin l’avait écouté en dodelinant de la tête, puis
laissé entendre qu’une telle décision n’était pas de son ressort mais qu’il
appuierait cette requête au moment opportun.
    Cristovao avait retrouvé avec plaisir Antonio Pereira. Le
prêtre lui apprit que leur protégé, Diogo, l’ancien matelot, était mort d’un
brusque accès de fièvre. Il avait déliré des heures durant, marmonnant ces mots
étranges : « Canaries, il trouvera les vents de retour s’il part de
là, les herbes, les herbes. » Le malheureux n’avait plus sa tête, conclut
le prêtre avant de raconter :
    — Je l’ai veillé jusqu’au bout. Il s’agrippait à mon
bras et ses ongles s’enfonçaient dans ma chair au fur et à mesure qu’il
débitait ses sornettes. C’est pour cela que je m’en souviens avec précision.
Nous lui avons donné une sépulture chrétienne même s’il vivait dans le péché
avec sa sorcière de femme. C’était un brave homme, un peu trop porté sur le
vin.
    Cristovao n’avait rien laissé paraître de son émotion. Il
était convaincu que ces mots bizarres lui étaient destinés. Lors de son dernier
passage dans l’île, il avait tenté de questionner Diogo sur le récit que lui
avait fait, à Lisbonne, Antonio Leme, ce marin qui affirmait avoir navigué
jusqu’à une terre peuplée d’hommes nus, à la peau cuivrée. Diogo avait craché
par terre de mépris et grommelé qu’un bon Chrétien ne devait pas se parjurer et
rompre le serment qu’il avait fait devant Dieu. Quand Cristovao avait insisté,
il lui avait tourné le dos et ne lui avait plus adressé la parole jusqu’à son
départ. Il était toutefois venu le saluer sur le quai, agitant ironiquement un
bâton que le Génois avait reconnu, avant de s’en retourner vers sa masure.
Aujourd’hui, Cristovao constatait que le vieux marin ne l’avait pas oublié. Au
moment de rendre l’âme, il s’était délivré de son secret. Ou du moins le
croyait-il car, après tout, il ne pouvait savoir que l’ancien commis d’Eleazar
reviendrait à Porto Santo et que le prêtre lui rapporterait ses paroles. Le
doute s’instillait dans son esprit. Il ne pouvait tout fonder sur un simple hasard
ou un malentendu.
    La flotte avait repris la mer en direction de Boa Vista,
l’une des îles du Cap-Vert. Diogo Cao avait repoussé la suggestion de l’évêque
de Ceuta de faire escale aux Canaries. Il n’était pas question d’éveiller
l’attention des Castillans sur la présence, à bord, de José Vizinho et des
hommes de Sagres. Leurs hôtes seraient bien capables de les mettre aux fers
pour en obtenir une rançon ou pour les obliger à passer au service de la reine
Isabelle. En fait, Diogo Cao redoutait surtout que ses vieux ennemis ne
cherchent à se venger et ne le pendent aux branches d’un arbre comme il l’avait
fait avec plusieurs de leurs équipages.
    Le prélat avait paru très contrarié de cette décision. Il
s’en était vengé à sa manière. Arrivé à Boa Vista, il s’était plaint de fortes
douleurs à la poitrine et au ventre. Il s’était cloîtré dans les appartements
du gouverneur de l’île, clamant qu’il était dans l’incapacité de poursuivre le
voyage. Il attendrait à Boa Vista le retour de ses compagnons, ne voulant pas être
un fardeau pour eux. José Vizinho avait laissé éclater sa colère. Il n’était
pas question de le laisser là. Il avait besoin de lui et de ses compétences.
Dom Joao serait sans nul doute furieux d’apprendre que l’un de ses conseillers
s’était lâchement dérobé à ses obligations. Il le lui ferait payer cher. Rien
n’y fit,

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