Christophe Colomb : le voyageur de l'infini
le prélat paraissait s’affaiblir chaque jour un peu plus. Quand un
navire castillan fit escale à Boa Vista, son capitaine vint saluer l’évêque et
s’offrit de le ramener à Séville d’où il pourrait gagner Lisbonne. L’affaire
paraissait être conclue quand, une nuit, un mystérieux incendie se déclara à
bord du navire espagnol. Son équipage avait été convié à terre par Cristovao
qui prétendait connaître plusieurs de ses membres, notamment un marin génois,
Giuseppe Mariani, qui avait été son compagnon de jeux. Le navire avait brûlé
entièrement, au grand dam du prélat.
Le gouverneur de l’île promit qu’il pourvoirait à
l’entretien des marins jusqu’à ce qu’ils puissent repartir sur un autre bateau
vers Séville. Ce ne serait pas avant de longs mois. Quant à l’évêque, privé de
la possibilité de regagner Ceuta, il finit par capituler. Il n’en pouvait plus
des potions que lui faisait boire José Vizinho pour lutter contre ses
souffrances. Qui plus est, sous prétexte de hâter sa guérison, le médecin lui
interdisait toute visite, notamment celle de son jeune secrétaire auquel il
était très attaché. Diogo Ortiz de Vilhegas cessa vite de donner la comédie. Il
se fit porter à bord du navire en pestant comme un païen et en jurant qu’il
prendrait un jour sa revanche.
Peu de temps avant leur arrivée à La Mine, José Vizinho fit
appeler Cristovao. Les deux hommes se retrouvèrent à l’avant du bateau, loin
des autres. Le médecin fixait l’horizon et resta longtemps silencieux avant de
murmurer :
— Vous paraissez être à l’aise aussi bien avec les
flots qu’avec le feu. Car vous n’êtes sans doute pas étranger à ce fâcheux
incendie.
— Voilà une terrible accusation. Elle peinera beaucoup
Diogo Cao, auquel revient le mérite de ce petit stratagème.
— Dont vous vous êtes fait le complice, ne mentez pas.
J’ai observé vos discussions quelques heures auparavant et il m’est d’avis
qu’elles ne portaient pas sur les vents et les courants. Peu importe,
l’essentiel est que nous ayons pu reprendre la mer au complet. Je comprends
mieux désormais pourquoi Eleazar était si élogieux à votre propos. C’est la
raison pour laquelle j’ai décidé de vous confier une nouvelle mission. Pendant
que nous prendrons les mesures du ciel à La Mine, vous partirez à la tête d’une
petite troupe explorer les environs de la forteresse. Son gouverneur m’a écrit
il y a de cela plusieurs mois que les naturels du pays lui parlent d’un
mystérieux souverain vivant à l’intérieur des terres et qui aurait sous ses
ordres de formidables armées. Je n’en crois pas un seul mot mais je veux en
avoir la certitude. À vous de me dire ce qu’il en est exactement. Sachez que
j’attache la plus grande importance à cette question. Si vous me donnez
satisfaction, sachez que la Couronne saura vous récompenser de la manière la
plus éclatante. Regardez Diogo Cao. Il est d’humble extraction et il a pourtant
été armé chevalier par notre bien aimé souverain. Pareil honneur pourrait vous
échoir pour peu que vous vous en montriez digne.
C’est ainsi que Cristovao était parti à l’aventure, avec une
cinquantaine d’hommes, une centaine de porteurs et plusieurs interprètes, des
drôles de gaillards dont il se méfiait. C’étaient des vauriens prêts à raconter
n’importe quoi pour faire étalage de leur importance, et il les soupçonnait de
chercher à l’attirer dans un traquenard.
La progression de sa troupe avait été laborieuse. Plus il
s’éloignait de la côte et plus la chaleur devenait accablante, oppressante,
transformant chaque étape en supplice. Très vite, il avait compris qu’il valait
mieux partir dès les premières lueurs de l’aube et cheminer, sans faire de
halte, jusqu’à ce que le soleil soit à son zénith. Alors, il disposait encore
d’une heure ou deux pour repérer l’endroit où il établirait son campement.
Il avait l’impression de pénétrer dans un monde étrange qui
se dérobait perpétuellement devant lui tout en se laissant entrevoir. À chaque
étape, la même scène se déroulait. Il s’imaginait être au milieu de solitudes
désolées. Soudain, il voyait surgir des herbes des enfants nus et rieurs qui
s’approchaient et les touchaient, lui et ses hommes, comme pour s’assurer
qu’ils étaient bien vivants. Puis c’était au tour d’hommes et de femmes,
porteuses de paniers de
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