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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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bénéficions d’un véritable atout : une présidente hors pair, un « vrai » magistrat, qui fait bien son travail. Odile Mondineu-Hederer possède toutes les qualités dont son homologue de la cour d’assises de Saint-Omer semblait dépourvu. D’emblée, je suis frappé par sa politesse. Alors que le président Monier de Saint-Omer allait s’asseoir avant même d’avoir pris le temps de nous jeter un regard, ce petit bout de femme attend que tout le monde soit là – assesseurs, jurés… – avant de prendre place.
    Surtout, elle écoute. À Saint-Omer, chaque témoignage, chaque déposition, parole d’expert ou d’accusé était affublé du « Avançons ! » du président… À Paris, madame la Présidente ne dit plus « Avançons ! » mais : « Je vous écoute. » Oui, nous sommes passés du président « Avançons ! » à la présidente « Comprenons ». Et ça change beaucoup de choses. On sent qu’elle prend le temps de la réflexion. Pourquoi six faux coupables comparaissent-ils aujourd’hui devant elle, à la cour d’assises ? Jamais elle n’interrompt celui ou celle qui a la parole : une personne à charge, un témoin, un avocat. Personne.
    La tension monte au fil des jours, au fur et à mesure que tombent une à une les dernières pièces du mince château de cartes. Le 18 novembre, Myriam Badaoui-Delay vient réaffirmer qu’elle est une menteuse mythomane, qu’ils n’étaient bien que quatre dans leurs déviances barbares. Elle réitère que les six appelants « n’ont strictement rien fait », et qu’elle a menti. Mais aussitôt, elle vise Burgaud : « Je sais que j’ai menti. Mais il faut aussi que le juge prenne ses responsabilités ! » Métamorphosé physiquement, son ex-mari Thierry Delay soutient ses déclarations : oui, ils n’étaient bien que quatre. Une seconde fois, nous voici donc définitivement blanchis au regard des viols commis sur les enfants victimes d’Outreau.
    Mais Myriam Badaoui-Delay n’est pas la seule accusatrice à nous avoir jetés dans cette boue, avec la complicité de son mari, et du couple Delplanque-Grenon. Les petites victimes d’Outreau, elles aussi, nous ont accusés d’avoir participé à ces séances horribles. Si les psychiatres n’ont cessé – sans être écoutés – de prendre leurs distances vis-à-vis de ces témoignages et confidences arrachés aux enfants dans des conditions parfois rocambolesques, d’autres psychologues « experts » s’en sont donné à cœur joie dans leurs pseudo-interprétations à charge.
    Les voilà eux aussi invités à s’expliquer devant le jury de la cour d’assises de Paris. Interrogés sur leurs « travaux », ils se défendent en affirmant que « leurs paroles ont mal été interprétées ». L’un d’entre eux, Jean-Luc Viaux, expert psychologue, lance un pavé à la tête des juges : « Tant qu’on paiera les experts à des tarifs de femme de ménage, vous aurez des expertises de femmes de ménage ! »
    D’autres s’échinent à valoriser le contenu de leurs « travaux ». L’un d’eux affirme sans ciller que nous, les accusés, portions en nous les traits de l’abuseur sexuel : immaturité affective et égocentrisme. Ce qui fait lancer à Maître Dupont-Moretti : « Si l’égocentrisme est un critère propre aux abuseurs sexuels, alors, tous les avocats sont des abuseurs sexuels ! »
    L’intervention d’une femme « expert » nous a carrément envoyés au cirque, même si elle n’avait pas conscience que le clown, en l’occurrence, c’était elle. Dans un langage très « psy », cette femme nous explique ainsi que l’un des enfants accusateurs a dessiné quelque chose de grave : une musaraigne avec une moyenne queue. Là, Maître Dupont-Moretti bondit de son banc : « Madame l’expert, si la musaraigne avait eu une grosse queue, cela voudrait-il dire qu’il a été violé ? » La présidente rit, le jury se tord, les avocats pouffent…
    Même les pauvres innocents du banc des accusés que nous sommes rient… jusqu’à ce que madame l’expert se tourne vers nous, et nous lance avec un grand sourire « Ah ! je suis contente ! Mes expertises vous font rire ! » Mais à cet instant précis, nous, les six, nous ne rions plus. Nos regards se croisent, tout comme nos pensées : « Et dire que les magistrats se sont basés là-dessus pour nous juger ! »
    *
    Des confrontations intelligentes avec nos jeunes

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