Chronique de mon erreur judiciaire
fait, tout est déjà prêt, tant le dossier que nous aurons à plaider à la cour d’assises de Paris s’annonce identique à celui de Saint-Omer en juin 2004. Qu’avons-nous à dire d’autre que nous n’avons déjà décliné sur tous les tons, devant ce parterre de magistrats soudain fossilisés sous la charge de leurs propres erreurs ? Ces bévues en série, confortées à chaque stade de la procédure sans la moindre preuve, ce bug inédit dans toute l’histoire de la justice qui les a conduits à acquitter sept innocents sur treize…
À Saint-Omer, l’affaire d’Outreau s’est écroulée comme un château de cartes. À Paris, un an et demi plus tard, c’est la machine judiciaire qui s’apprête à imploser. Même si nous ne voulons surtout pas « vendre la peau de l’ours », nous sentons bien, nous, les six derniers non coupables, que le vent souffle enfin dans la bonne direction. Nous avons bien conscience, un an et demi après le verdict du 2 juillet 2004, d’avoir été condamnés dans l’unique but de sauver la face d’une justice en péril. Une des avocates de la défense l’a plaidé haut et fort, devant la cour de Saint-Omer : « Par la condamnation de six innocents à des peines “légères”, la justice a voulu se raccrocher aux branches. »
Acquitter treize personnes d’un coup, c’était une trop grande claque pour les magistrats. L’impossible aveu de leur propre incompétence. D’où leur acharnement à trouver des coupables en condamnant six d’entre nous pour des peines moins lourdes. Des peines ignobles, infamantes, censées sanctionner des actes que nous aurions commis sur nos proches, notre entourage, nos propres enfants.
Je reviens en quelques lignes sur ce verdict de Saint-Omer :
Dominique Wiel, prêtre-ouvrier de soixante-sept ans, hélas voisin malchanceux des Delay, a ainsi écopé d’une condamnation à sept ans de prison pour le viol « furtif » d’enfants du quartier. Et le sinistre et cynique procureur Gérald Lesigne fait alors mine d’atténuer cette condamnation fantaisiste par d’odieuses « circonstances atténuantes » : « Il s’agit de quelqu’un qui n’a pas su maîtriser une pulsion rapide, expliqua-t-il le plus sérieusement du monde, et je crois que cela mérite d’être intégré à la peine. »
Le couple Franck et Sandrine Lavier (vingt-sept et vingt-huit ans), avait le malheur d’habiter dans la même cage d’escalier que le couple Delay. À défaut de pouvoir apporter la preuve de leur culpabilité sur les fils Delay, tous deux ont quitté le tribunal avec six et trois ans de prison pour « agression » et « corruption » de leurs trois filles.
Daniel Legrand (fils), lui, avait la chance de ne pas habiter le quartier. Mais puisque l’on n’a pas trouvé la moindre trace d’agression sexuelle sur aucun enfant de la Tour du Renard, on le condamne à trois ans de prison, dont un avec sursis, car « il pourrait », selon le même Gérald Lesigne, « avoir filmé les ébats pédophiles de la famille Delay ».
Quant à Thierry Dausque (trente-trois ans), autre habitant de la Tour Renard, il a été déclaré coupable de viol sur les enfants qu’il a eus avec sa concubine : quatre ans d’emprisonnement, dont un avec sursis.
Et puis il y a moi, l’huissier d’Outreau. Après avoir reconnu que je n’étais pas « quelqu’un qui relève de l’affaire d’Outreau », ce sont « des actes inconvenants » sur mon fils, qui m’ont été reprochés, assortis d’une peine de dix-huit mois de prison avec sursis. Traduction : faute d’avoir pu condamner un notable pour viol avec actes de barbarie, les magistrats se rabattent sur le père incestueux !
Toutes ces condamnations fallacieuses n’ont donc aucun lien direct avec le réseau de pédophiles, ce réseau de prédateurs sorti de l’imagination de Myriam Badaoui. C’est elle qui a jeté en pâture des noms de « notables » et de voisins, afin de mieux diluer sa propre responsabilité. Outreau, c’est cela, et uniquement cela : deux adultes enfermés dans leurs fantasmes qui font souffrir leurs quatre enfants, le couple Delay-Badaoui, lequel fait participer un couple de voisins, Aurélie Grenon et David Delplanque. Rien d’autre.
*
Je peine, dans ce procès aux assises de Paris, à retrouver le fil de mon cheminement personnel, tant les cinq ultimes naufragés de cette affaire d’Outreau et moi-même formons désormais une équipe
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