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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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prison, et après l’acquittement. Rien ne justifiait la violence de ces placements – même provisoires – chez des gens qu’ils ne connaissaient pas, alors que des proches, des tantes, étaient prêts à les accueillir, à s’en occuper. Aucune main ne leur sera tendue par la suite, pas même lorsque nous serons libérés puis acquittés, et que nous demanderons à les retrouver. Je note d’ailleurs que la justice a été beaucoup plus efficace, infiniment plus rapide, pour nous arracher notre progéniture, en 2001, que pour nous la restituer quatre ans plus tard. Quand nous l’avons réclamée, le processus était soudain compliqué : « Il faut attendre un peu, ils ne peuvent revenir chez vous sans une instance judiciaire…»
    Et quand nos enfants nous ont été rendus, pas un mot d’excuse, pas la moindre piste pour nous épauler. À eux de vivre avec la douleur psychologique d’un tel choc ; à nous, les parents ravagés, de nous débrouiller avec nos gamins détruits, de tenter de leur redonner goût à la vie, aux études. En cette année 2006, Sébastien habite chez sa maman, alors que Thomas demande à vivre sous mon toit. Je ne pourrai oublier les paroles du juge qui nous a reçus, mon fils et moi, et qui s’adresse à moi pour m’avertir de ce qui m’attend : « Je vous préviens, il est cassé. Mais vous pouvez le reprendre…»
    Heureusement, ma fille, Cécile, a été moins touchée. Elle n’avait que six ans en 2001. Elle vit aujourd’hui chez sa maman, je pense qu’elle est heureuse, bien que je la voie très peu, et qu’elle m’appelle aujourd’hui « Alain ». Mon ex-femme et moi nous sommes disputés lors de notre divorce, et elle a pris parti pour sa mère.
    Mais ce divorce aurait-il existé, s’il n’y avait eu Outreau ?
    *
    Je voudrais clore ce chapitre sur une note optimiste. Malgré toutes les difficultés qui subsistent aujourd’hui, malgré ces marques indélébiles qu’ils portent en eux, je garde l’espoir que nos enfants deviendront les adultes formidables qu’ils promettaient d’être. Même s’ils me reprochent parfois de me montrer un peu trop autoritaire avec eux, je crois faire tout mon possible pour les guider de mon mieux.
    Je les aime.

Chapitre 59

Redevenir huissier de justice
ou
Prêter serment, en toge, devant ce même tribunal qui a signé mon incarcération
    L’idée m’a longuement travaillé avant que j’y renonce : à ma sortie de prison, j’éprouvais une forte envie de devenir magistrat, de pouvoir mettre à profit ces passerelles qui permettent aux juristes de changer de profession judiciaire.
    « Juge ? Avec ce que tu viens de subir ? », me demandait-on. Mais oui, justement. Et de fait, je crois détenir toutes les qualités qui feraient de moi un bon magistrat : je maîtrise bien les questions de justice civile, qui sont le lot quotidien d’un huissier, je connais mieux que quiconque la privation de liberté, et la notion d’injustice me parle comme à personne. Oui, j’en suis sûr, je pourrais être un très bon magistrat.
    Je fais part de mes intentions à Hubert Delarue et à Hervé, lesquels, dans un même élan, chacun dans leur style, et non sans quelques efforts diplomatiques, me mettent tout de suite en garde : « Alain, méfie-toi, avec Outreau, tu as mis un pavé dans la mare ! Ils vont t’attendre au tournant ! » À la réflexion, je sais bien, aujourd’hui, qu’ils avaient raison. Si j’étais devenu magistrat, jamais je n’aurais obtenu la reconnaissance de mes pairs. Si j’étais devenu magistrat, je serais resté l’huissier d’Outreau.
    Et puisque je resterai l’huissier d’Outreau, à jamais, n’est-il pas plus simple de le redevenir ? Dès 2006, Hervé me propose de devenir son associé. Il est titulaire de cette charge à Calais où je suis employé comme simple clerc. Son idée, c’est de créer une société avec un autre de ses clercs et moi-même. Et pour cela, nous devons à nouveau prêter serment tous les trois ensemble.
    Le 14 mars 2007, donc, je redeviens huissier de justice. La charge étant située à Calais, c’est tout naturellement le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer qui va recueillir mon serment. Ce même tribunal qui, six ans plus tôt, avait pour mission de surveiller le travail du juge Burgaud. Ce même palais de justice où je venais menotté, encadré par deux gendarmes…
    C’est normalement Gérald Lesigne, procureur de la République,

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