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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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ainsi qu’une consœur de Montreuil-sur-Mer. Une nouvelle vexation ? Un énième artifice pour me briser ? Ces confrères vont-ils œuvrer avec autant d’acharnement que l’auraient fait ces proches consciencieux ? J’apprendrai en fait plus tard, par une employée de l’Étude, que les trois suppléants désignés se contentèrent de signer les actes. En tout cas, avec ce nouveau choc, je perds un peu plus mes repères, et me sens partir à la dérive. Un pressentiment me gagne : celui de ne plus jamais retrouver mon Étude, l’œuvre de ma vie de travail.
    Vers 11 heures, l’assistante sociale me fait demander. Et m’annonce qu’Odile a été incarcérée à la maison d’arrêt de Valenciennes et mes enfants placés en familles d’accueil. Je n’en crois pas mes oreilles : une famille éclatée, dispersée, à cause d’accusations infondées. Ce que je redoutais arrive : le pire !
    Je mange peu au déjeuner, ayant perdu la faim. Et, l’après-midi, je reste en cellule, prostré.
    Mon état de santé se détériore. Je fume de plus en plus, moi qui avait perdu cette manie depuis la faculté. L’infirmière prend ma tension – 11/8 au lieu de 13/7 – et me suggère de rencontrer le médecin. Une offre que je décline d’emblée, préférant de loin rentrer en cellule pour m’isoler. Vers 17 heures, mes codétenus, à peine rentrés de l’atelier, ouvrent le poste de télé. Quand le dîner arrive, je joue à la belote avec l’un d’eux jusque 20 heures, puis je regarde les informations avec les autres. Dix dans une pièce minuscule avec chacun son caractère, sa personnalité, relève de l’épreuve. Surtout avec des rapports réduits au strict minimum.
    Les discussions ? Sans intérêt. Les dialogues ? Aseptisés ou enflammés quand des disputes éclatent sans prévenir. Si elles entraînent rarement des conséquences physiques, elles dévoilent une violence verbale exacerbée où l’un traite l’autre de « salopard », le second lui rétorque par un « salaud », quand un troisième réplique par « je vais te tuer » ou « je vais te casser la gueule », etc. Des altercations éprouvantes qui naissent parfois pour un rien.
    Jour après jour, l’absence d’hygiène me sidère. Fréquemment des disputes s’élèvent pour désigner qui sera de corvée pour nettoyer les plats ayant servi à recevoir la nourriture, Moktar, alias « Momo », se voyant souvent réquisitionné. Quand il s’agit de laver assiettes et couverts, cela se fait hélas sans produit adéquat. Quant à l’entretien de la cellule, il relève de la gageure tant l’état général est déplorable : le carrelage au sol est cassé ou ébréché, les murs crasseux, la peinture écaillée par endroits, notamment sous les fenêtres où l’humidité est importante. Il y a même de l’eau qui coule du plafond, en provenance directe de la condensation d’un tuyau. Quant à l’entretien de ses affaires personnelles, il passe par le lavabo à tout faire ou par la laverie gérée par un détenu, utilisable en cas d’absence de parloir. Ce qui arrive en début d’incarcération, tous les parloirs devant recevoir au préalable l’autorisation du juge d’instruction. Cependant, contre un paquet de cigarettes, « Jerry » peut fermer les yeux sur la procédure. Le règlement a prévu aussi de nous donner, tous les mois, un sachet en plastique contenant quatre rouleaux de papier toilette, un tube de dentifrice, une brosse à dents, six rasoirs mécaniques, un tube de crème à raser, une savonnette et des doses de shampoing. Sans oublier dix berlingots de nettoyage pour le sol, dix-huit flacons d’eau de javel, une bouteille de crème à récurer, deux boîtes de lessive, une serpillière et trois éponges (2) . Comme tout est strictement calibré en ces lieux, les détenus ont en outre droit à trois douches hebdomadaires, dans le bâtiment situé au bout du couloir de distribution des cellules du rez-de-chaussée. Lesquelles se composent de six compartiments séparés par un mur, avec peintures des parois et plafond fortement dégradées et aucun système de chauffage. Cinq douches fonctionnent plus ou moins, sans que personne ne veuille utiliser celle du centre dont le siphon constitue le collecteur général de toute l’installation. Pour la barbe et les cheveux, aucun texte n’érige de conseil strict et on peut les garder longs. Le coiffeur, ouvrier métallurgiste dans le civil, s’occupe

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