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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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coincer, me dis-je, voilà donc ma détention justifiée ! Mon pauvre Sébastien a toujours aimé exagérer pour se mettre en avant, défaut véniel que je lui pardonne, mais, aujourd’hui, cette parole, dans le contexte, devient terrible pour moi. » Qui comprendra que mon fils, devant des adultes, a toujours eu tendance à vouloir aller dans leur sens, autant pour faire plaisir que se rendre intéressant ou même se faire plaindre ? Que ce petit garçon un peu dans ses rêves a déjà prétendu certaines choses sorties de son imagination, un simple mal de ventre devenant une douleur l’empêchant de faire un pas, racontant que nous habitions un château avec jardinier, possédions des voitures de luxe, avions une employée de maison… ?
    *
    Quel père va alors se présenter à la vindicte du juge ? Un pédophile ? Évidemment non, mais un homme trop souvent absent, absorbé par son métier d’huissier, qui travaillait près de quatre-vingts heures par semaine jusqu’à en oublier quelque peu sa vie de famille. Un père qui avait tendance à trop en faire mais qui s’évertuait, malgré sa journée de labeur débutant dès 9 heures du matin, à conduire ses enfants à l’école pour être quelques instants avec eux, quitte à se passer plus tard de déjeuner ; un père oubliant sa fatigue et dormant peu, resté collé au bureau comme une huître à son rocher jusqu’à 23 heures, et qui, en rentrant le soir, trouvait sa petite famille dans les bras de Morphée lorsqu’il venait l’embrasser. Un père aimant certes, mais au sens noble du terme, sans aucun dérapage ou attouchement coupable. Un père qui, aujourd’hui, ne sait comment expliquer – mais qui le doit parce qu’on le lui impose – qu’une affection normale n’est en rien le masque d’une atteinte impudique.
    Seules exceptions à cette règle du travail acharné, mon retour le mardi peu avant 20 heures, parce qu’Odile donnait un cours de gym. Étant rarement auprès de mes enfants, je goûtais alors ces heures comme autant de moments rares et privilégiés durant lesquels nous jouions ensemble. Comme j’appréciais – sans savoir où ce banal combat que pratiquent nombre de pères me conduirait – nos « bagarres » en famille du dimanche matin. Le but du jeu ? Garder le lit parental comme un bastion à protéger des assauts répétés des enfants faisant tout pour y accéder. Dans un grand délire, une cocasse folie, la famille pousse des cris, chahute et parfois un enfant tombe du lit. Peut-être un jour ai-je pu, par inadvertance, pincer le « zizi » de Sébastien, pour reprendre ce terme, mais je ne me le rappelle même pas. Et, évidemment, si cela arriva, il ne s’agissait en rien d’une malveillance, voire d’un vice de ma part.
    Ce genre de chahut anodin n’est-il pas arrivé à tous les parents ? Cela fait-il pour autant d’eux d’infâmes abuseurs ? Doivent-ils, désormais, s’interdire de jouer par crainte de subir les mêmes accusations ? Et puis, mes autres enfants ont-ils rapporté des « faits » – les guillemets sont à dessein – semblables ? Bien sûr que non, mais à cause de deux mots malheureux de Sébastien, prononcés devant les enquêteurs dans le contexte d’Outreau, je suis désormais suspect de tout. Deux mots que son frère et sa sœur n’ont en rien corroboré mais cela personne n’en tient compte à ma décharge. Deux mots qu’à jamais j’aurai le fardeau de devoir expliquer alors qu’ils ne reposent sur rien de mal intentionné, contrairement à ce que certains veulent leur faire dire. Le pire dans tout cela, c’est, compte tenu de ce que l’on a voulu voir dans cette déclaration, la nécessité où l’on me pousse de les justifier, de les démentir alors qu’ils ne correspondent à aucune réalité malsaine. Parce qu’on a inversé la charge de la preuve, je suis désormais contraint de « justifier » un jeu dominical banal, anodin, traduit par des adultes en exercice de perversion. Certains penseront sans doute, en me lisant sur ce point, que j’en fais trop, que je prends trop d’espace pour me justifier, mais qu’y puis-je ? Puisque, désormais, le doute des autres reposera à jamais sur mes épaules, comment réduire à néant ces assertions mal interprétées, sorties de leur réalité, sans prendre le temps d’y répondre ? Pitié, qu’on m’accorde, là aussi, la présomption d’innocence même si beaucoup la bafouent en

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