Chronique de mon erreur judiciaire
détention
Voilà désormais un mois que je suis incarcéré. Un mois pour des mensonges, un mois pour du vent. Un mois durant lequel tout ce que j’ai construit à force de labeur et de sueur part en morceaux. Un mois durant lequel tout ce que j’ai édifié par amour est mis à mal par la rumeur, des décisions iniques de la Justice. Un mois durant lequel je dois endosser la tunique de la honte alors que je suis innocent, où on me contraint à côtoyer des détenus moi qui étais un représentant de la loi. Un mois pour tout ça, ce qui est plutôt dur à avaler. Néanmoins, je compte bien ne pas passer Noël en prison même si la date de ma libération traîne, comme le reste d’ailleurs. J’ai par exemple dû patienter un mois pour obtenir des photos des enfants et les coordonnées exactes d’Odile à la maison d’arrêt de Valenciennes.
Dans l’immédiat, j’attends le 18 décembre, date de la confrontation avec mes contradicteurs. Date aussi, du moins je l’espère, de mes retrouvailles avec Odile, puisque je suis convaincu que nous allons sortir libres de ce face-à-face dans le bureau du juge. J’ai par ailleurs fait une demande écrite pour recevoir la visite d’un pasteur et participer à la Sainte Cène. En effet, pratiquant chrétien de confession réformée, si la messe peut me satisfaire par ma participation à l’eucharistie, le besoin de partager le pain de vie par la préparation de la Cène me devient pressant.
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Quelques jours avant la confrontation, je prends connaissance de la décision du magistrat concernant la garde de mes enfants : ils restent placés chez des tiers alors que la famille se tient prête à les accueillir. La logique judiciaire m’échappe et me foudroie une nouvelle fois : pourquoi préférer les laisser chez des inconnus plutôt que de les confier à des gens qui les aiment déjà ?
Dès lors, je ne vois d’ouverture que dans ce fameux 18 décembre. Si le juge se montre digne de sa charge, il fera son mea-culpa et ma famille et moi fêterons Noël à la maison. Comme en plus il est urgent de reprendre mon Étude en main, soupçonnant mes confrères huissiers situés dans ma compétence territoriale de lorgner sur ma clientèle, j’échafaude d’emblée des stratégies de reconquête. Pour tromper mon impatience, je mijote aussi le brouillon des lettres que je compte adresser au garde des Sceaux et au président de la République.
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Plus l’échéance approche, plus je me persuade que tout ira bien, qu’il n’y a rien dans ce dossier, lequel, au fil du temps, va s’écrouler tel un frêle château de cartes.
En attendant ce moment décisif, je me surprends à toussoter de plus en plus. Si je fais le bilan de mon état de santé, il n’est pas beau à voir. En plus du rhume qui me gagne, j’ai attrapé des boutons sur le torse et, à l’infirmerie, on a noté une petite anomalie dans mon électrocardiogramme. Sans compter d’éprouvantes douleurs thoraciques, conséquences du stress et des angoisses liés à mon affaire. Or, fidèle à mes habitudes, je refuse les médicaments proposés par le médecin, n’acceptant que la lotion cutanée.
Mon moral s’étiole peu à peu. Même si des lueurs d’espoir éclairent mes journées, je me morfonds en ces lieux où je n’ai rien à faire. Psychologiquement, je mise tout sur la confrontation, mais lutter contre l’impression de se vider de sa substance est douloureux à vivre. L’absence de ma femme et de mes enfants ajoute encore à mon désarroi et j’éprouve des difficultés à réfléchir en toute clarté, à me concentrer sur mes lectures ou mes idées, à vouloir même me battre. La déprime gagne du terrain. Si lutter contre l’injustice oblige constamment à se relever en s’inventant des ressources morales insoupçonnables, les coups de mou ne manquent pas.
Le fait de penser que les choses pourraient être plus graves, par exemple si j’étais victime d’une maladie incurable ou frappé par la perte d’un enfant, me console un temps, mais, très vite, je sombre à nouveau, prostré, avec au coin de l’âme le sentiment égoïste d’endurer le pire.
Évidemment, ce lent virus de l’accablement a des répercussions sur mon physique. Je me sens un peu plus diminué chaque jour. Ainsi, lors de mon dernier passage à l’infirmerie, la balance affichait une perte de dix kilos. Dire qu’avant mon incarcération, j’étais suivi par un médecin nutritionniste pour combattre
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