Chronique de mon erreur judiciaire
infirmière m’accompagne. Me portera-t-elle chance ?
*
C’est le grand jour. Celui qui m’a fait tenir et suspendre ma grève de la faim. Celui où, théoriquement, je dois obtenir gain de cause. Or, malgré tous mes déboires et revers, paradoxalement une part de moi y croit encore.
7 h 45. On m’apporte un baquet d’eau pour faire un brin de toilette, puis deux infirmières me posent une perfusion et m’installent dans un fauteuil roulant, opération difficile car mes muscles ne répondent plus. Je ne bois rien, ayant trop peur de devoir aller aux toilettes en arrivant à la cour d’appel ce qui, vu mon état, me ferait honte. L’ambulance survient lorsque je suis déjà allongé sur le brancard, entouré de deux ambulanciers, du surveillant Sylvio Samataro et d’une infirmière. À 9 heures, une fois les gendarmes arrivés, nous partons. Durant le trajet, j’ai mal au bras perfusé, je ressens une terrible nausée, et je suis glacé. Rien ne va plus.
À 10 h 30, je vois mon avocat : étant donné mon état, il va passer en priorité. Maître Delarue se trouve devant une chambre de l’instruction composée d’un magistrat de la chambre civile, d’un magistrat de la chambre commerciale et d’un magistrat habituel. Il plaide trois quarts d’heure, laissant bouche bée l’infirmière, le surveillant et les gendarmes par son brio et les arguments implacables qu’il avance. L’avocat général, lui, requiert, en cinq minutes maximum, mon maintien en détention provisoire. La routine quoi ! Lorsque j’obtiens la parole, je fonds en larmes, reviens pour la sempiternelle fois sur mon cas et supplie le président d’essayer au moins de se mettre à ma place. Un appel vibrant et humain : mais peut-être est-ce trop demander.
L’audience terminée, je m’avoue dubitatif. Maître Delarue aussi. En revanche, les deux infirmiers ayant assisté à l’audience se montrent optimistes, arguant qu’il est impossible, compte tenu de ce qu’ils ont entendu, de me laisser en prison. Je croise les doigts. Peut-être ont-ils raison ?
De retour à l’hôpital, je suis reconduit à ma chambre en chaise roulante, où on m’ôte la perfusion. Vers 15 heures, Dany vient attendre avec moi le verdict, nous leurrant d’espoir et de projets. Un leurre en effet puisque, cinq heures plus tard, la sentence tombe. Ma demande de mise en liberté, celles d’expertise psychiatrique et de confrontation sont rejetées.
Dany fond en larmes, moi pas, presque soulagé, serein même, conscient en fait d’avoir déjà un pied dans la tombe. Immédiatement, je lui confie un nouveau codicille au testament du 12 juillet, tout en la priant d’embrasser très fort mes enfants, en lui certifiant n’avoir aucun regret puisque j’ai bien vécu, avec ma famille, jusqu’à ce jour fatidique où débuta pour nous l’affaire d’Outreau. Ma sœur peut partir tranquille, pour moi la messe est dite.
Dès son départ, deux infirmiers font irruption dans la chambre. Déshabillé, fouillé, on me retire le peu de confort récemment accordé, à savoir une table sur roulettes et quelques magazines. On m’enlève aussi mon oreiller, mon drap, ma housse de matelas, puis on me laisse en slip et en tee-shirt avec seulement deux couvertures alors que j’ai extrêmement froid. Deux couvertures rêches qui deviennent mon seul refuge, dans lesquelles je m’enroule en grelottant. L’interne de service les aurait bien saisies aussi, si l’infirmière Aline ne m’avait défendu en faisant remarquer que je dormais sur un matelas en plastique.
Désespéré, affligé, scandalisé et humilié, je n’ai rien pour en finir, pour me suicider, mais plus que jamais ce geste ultime me hante. Je prie Dieu de m’appeler près de lui, chantant, implorant la mort comme une délivrance apaisante.
*
Vendredi 15 août 2003. Je suis toujours vivant, malgré mes prières, mais plus proche du moribond que jamais. J’ai du « vague à l’âme », un dos qui me fait souffrir et des papillons noirs qui volent devant moi. Mon état de faiblesse s’aggrave. À 8 heures, un infirmier vient prendre mes constantes mais je refuse tout en bloc. Je reste allongé sur mon lit, transi de froid. Le médecin de garde tente de me raisonner mais en vain. Maître Delarue apparaît à son tour, plus que jamais offusqué par la décision de la cour d’appel. Combatif, il m’annonce le dépôt, dès le lundi, d’une nouvelle demande de mise en liberté,
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