Chronique de mon erreur judiciaire
réfugiant le week-end dans la lecture et la prière, mon emploi du temps durant la semaine se résume à prendre mes médicaments, fumer, boire du café ou du thé.
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Comme voilà plus de quatre semaines que je ne m’alimente pas, je suis incapable de me tenir debout et de marcher. Ma mobilité est si faible que je dois maintenant uriner dans un urinai. Quand une collaboratrice de mon avocat m’avertit qu’une nouvelle demande de mise en liberté a été déposée, requête qui, selon elle, devrait me dissuader de poursuivre cette grève de la faim, je souris. Pourquoi interromprais-je ce chemin de croix salutaire, alors que maintes autres procédures du même type n’ont abouti à rien ?
Maître Delarue monte alors à l’assaut, me promettant une déclaration à l’AFP – l’annonce de mon hospitalisation sera d’ailleurs publiée le lendemain dans le journal La Voix du Nord – et insiste pour que je suspende mon funeste projet dans l’attente de la décision de la cour d’appel. Que faire ? Finalement, je me décide à l’écouter partiellement et, le soir, accepte une soupe et un yoghourt. Le lendemain, vers 15 h 30, mes deux sœurs arrivent à l’improviste. Bien que ne disposant d’aucune autorisation de visite, le cadre du service s’est montré compréhensif. Elles repartent vers 17 heures, heureuses de mon fléchissement. Désormais, avec en point de mire cet ultimatum judiciaire, je me contente de la soupe et du yoghourt. Cela n’est pas assez pour mes proches, mais déjà beaucoup pour moi.
Mercredi 6 août 2003. Ma tension reste à 8,5 et mon poids est tombé à soixante kilos. Le médecin constate l’atrophie des muscles de mes jambes et me prévient que « je risque d’être paralysé à vie ». Je m’en moque, étant dans mon droit. Déplorant l’absence de kiné, elle prescrit de nouveaux médicaments et un électrocardiogramme.
Dans l’après-midi, l’aumônier vient me voir et me raconte comment il multiplie les démarches afin que je sois accueilli dans un monastère en cas de liberté provisoire.
À 17 heures, on me véhicule, en chaise roulante, vers la salle de bains : désormais, je suis presque grabataire. Parvenu à me déshabiller et à me mettre sous la douche sur une chaise prévue à cet effet, je constate que mon état est pire que prévu quand je dois appeler l’infirmière pour me laver. Adieu la pudeur ! Je suis obligé, pour me brosser les dents, de prendre appui sur le lavabo et même d’être soutenu. Me voir dans un tel état m’afflige mais je dois persévérer. Au cours d’une visite, mes sœurs m’annoncent une nouvelle – bonne ou mauvaise ? –, je ne me fais plus d’illusions, attendons : ma demande de mise en liberté sera évoquée à l’audience du 14 août. Par ailleurs, mon avocat a reçu la visite d’un journaliste de Libération, en proie au doute quant à toute cette affaire. Les médias ouvriraient-ils enfin les yeux ?
À nouveau seul, je me mure dans la nostalgie, qui m’apporte de la quiétude. J’ingurgite la soupe et le yoghourt, fume une cigarette et ai droit, en soirée, à une infusion.
Le dimanche, dans l’après-midi, le père Joseph vient me voir. Nous prions et il me donne la communion. La foi peut soulever des montagnes mais en ai-je encore la force ? J’apprends de sa bouche que les gendarmes ont téléphoné pour connaître mon état de santé en vue de mon extraction du 14, mais que le médecin a exprimé des réserves. L’inquiétude gagne enfin du terrain !
Mardi, multiples visites : Dany et son mari Bertrand arrivent en début d’après-midi. Quelque temps après, maître Delarue me remet l’article paru dans Libération, plutôt favorable, et m’informe avoir donné une interview à France 3 devant la porte de l’hôpital. Ensuite survient le père Joseph avec une mine des mauvais jours : le monastère du Mont-Des-Cats refuse de m’accueillir. Décidément, si même les moines ne veulent pas me tendre la main, autant en finir.
Mercredi, je suis réveillé tôt par les bruits des autres patients, ainsi que par mon anxiété : ne croyant plus dans la justice, comment imaginer qu’elle puisse enfin se contredire et, explicitement, admettre son acharnement comme ses torts ? Le cadre du service prépare mon extraction. En accord avec le médecin de l’hôpital, il convient de mon voyage vers la cour d’appel, en ambulance et perfusé. Il tient également à ce qu’une
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