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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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Une proposition que j’accepte, cette maison d’arrêt m’étant devenue insupportable.
    Ce même jour, le chemin pour me rendre au parloir de 14 h 30 relève du calvaire, tant ma tête tourne et mes muscles m’éprouvent. Comme mon cœur s’emballe, je dois m’arrêter à chaque étage pour reprendre mon souffle, le sac de linge sale sur mes épaules pesant des tonnes. En me voyant aussi amaigri – je suis à soixante-quatre kilos – mes sœurs pleurent, me conjurant d’accepter d’aller à l’hôpital. Quelques minutes plus tard, le médecin annonce un placement en hospitalisation d’office en attente de la décision préfectorale. Enfin une bonne nouvelle.
    Mais c’est oublier l’impéritie des services. À 21 heures, en effet, un chef et deux surveillants pénètrent dans la cellule accompagnés d’un médecin : la demande d’hospitalisation d’office ayant été perdue, il faut la refaire. Décidément, rien ne me sera épargné. En fait, comme le psychiatre ne veut plus me voir ici tant mon état est préoccupant, la procédure va cette fois aller à toute vitesse. Puisque, depuis peu, je fais aussi l’objet d’étourdissements, d’essoufflements, de crampes continuelles qui m’empêchent de dormir, bref que ma santé se dégrade inexorablement, pour moi comme pour eux, mieux vaut que je sois transféré de toute urgence. Deux heures plus tard, je suis donc conduit en ambulance à Pinel, accompagné de quatre infirmiers.
    Me revoilà en somme parmi les fous, mais cette fois beaucoup plus maigre.

Chapitre 23

La grève de la faim justifie les moyens
ou
Ne jamais flancher pour se faire écouter
    J’arrive à l’hôpital en pleine nuit. Des infirmiers portent mes affaires puisque je n’en ai plus la force. On me place dans une chambre d’isolement comprenant un lit scellé au sol, sans oreiller ni drap, et un seau de nuit. Mes vêtements sont confisqués et je dois endosser le pyjama-uniforme. Comme un membre du personnel remarque que mon pot de chambre n’est pas conforme, parce qu’équipé d’une anse, il me le retire.
    J’ignore les consignes communiquées à mon sujet mais je fais d’emblée l’objet d’une surveillance pointilleuse. Visiblement, les infirmiers veulent aussi me dissuader de continuer ma grève de la faim, m’apportant de la nourriture, multipliant les mises en garde musclées, prédisant un placement sous perfusion et sonde nasale, avec en outre un Pénilex (9) . En cas d’opposition de ma part, ils m’avertissent que je serai attaché. Leur posture de gardes-chiourmes m’indiffère : mieux, je m’en fous puisque mon but est de mourir.
    À 16 heures, après des moments de somnolence, je bois du café et ne touche pas au goûter, préférant regarder le plafond de ma chambre cellule. Un peu plus tard, on m’avertit qu’étant hospitalisé, je n’ai plus droit aux parloirs. De cela aussi je me moque puisque je vais mourir.
    J’entame la lecture du Nouveau Testament, réconfort moral qui pallie mes douleurs physiques, et m’endors le soir avec un somnifère.
    Le mercredi matin, un infirmier me propose de prendre un bain. Je m’exécute, bien que la tête me tourne et que je rencontre des difficultés à entrer dans la baignoire. À ma grande surprise, je constate que mes jambes sont maculées de plaques vertes semblables à des hématomes : l’absence de nourriture entraîne des effets secondaires inattendus. Tant bien que mal je me lave devant l’infirmier chargé de me surveiller. Assez gentil, je lui conte mes malheurs pendant qu’il me nettoie le dos, me rase et me fournit un autre pyjama. Je suis propre comme un sou neuf pour entrer dans l’au-delà.
    À peine revenu dans ma chambre, j’apprends que je suis transféré dans un autre service, dépendant toujours du centre psychiatrique.
    *
    Deux infirmiers viennent me chercher. Vu mon état, nous sommes obligés de prendre l’ascenseur. J’intègre une pièce semblable à celle que je viens de quitter, tous les détenus provenant de la maison d’arrêt d’Amiens étant placés en chambre d’isolement. Le radiateur encastré dans le mur est protégé par une grille de sécurité et une horloge à quartz fixée au mur, juste devant le lit, me permet de me situer dans le temps, n’ayant plus les repères des plateaux-repas. Suivi quotidiennement, j’ai plusieurs prises de sang dans la journée. Je pèse maintenant soixante-deux kilos et ma tension varie entre 9 et 10. Me

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