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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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ce moine fut promené par tous les endroits où la peste avait dominé le
débat. Pour s’alléger il défit sa ceinture où douze mains inertes étaient déjà
accrochées, avec leurs ongles, soignés ou en deuil, avec leurs lignes du
destin, plus ou moins longues, plus ou moins nerveuses mais toutes désormais
inutiles. Il coupa le pouce de chacune d’entre elles, espérant que les consuls
se contenteraient de ce témoignage pour lui compter son dû. Les ayant enfouis
dans les guimbardes de son froc, il reprit la poursuite.
    Le cheval
avait tout de suite compris que l’homme en sandales ne pouvait pas courir très
vite. Il suffisait de le tenir à distance par un trot savant qui laisserait
croire que la capture était facile. D’autant que le moine ne ménageait pas les
douces paroles, les flatteries, les cris d’admiration ou le ton de
commandement, toutes choses qu’il croyait propices à amadouer l’animal.
L’esquive dura longtemps, s’étendit sur force lieues. L’homme et le cheval
rivalisaient d’intelligence et de ruse. Le moine desservi par ses sandales les
avait retirées et jetées au loin. Il pensait qu’il n’en aurait plus besoin dès
qu’il aurait enfourché la monture, mais la peste égalitaire et aveugle trancha
le débat en faveur de la bête. Soudain aux yeux du religieux, la capture qu’il
convoitait ne parut plus essentielle. Il fit en courant, néanmoins, un dernier
effort. Le cheval se cabra, immense devant l’homme, noir et argent avec son
caparaçon aux couleurs de la mort, et ce fut comme si l’apocalypse en personne
entrait, tout armée, dans l’agonie du monial.
    Le cheval
contempla un moment les soubresauts de son adversaire qu’un ultime élan de
possession faisait ramper vers sa proie inaccessible et qui s’effondra le nez
dans la poussière. Les trophées immondes qu’il portait à sa ceinture pourrirent
avec lui sur la badassière odorante.
    Ce fut à
cet instant qu’un grand vent purificateur se mit à souffler sur la plaine de
Mane.
    Le cheval
entendit cliqueter dans l’air une étrange complainte qui le conviait
doucereusement à s’approcher d’elle. Il lui obéit. Trottant l’amble par chemins
et forêt, il atteignit le sommet d’Haurifeuille, plateau où le mistral hurlait
au loin et à perte d’ouïe. Un moulin à vent se dressait sur un peloux herbu. Le
souple mouvement de ses ailes faisait des gestes de fantôme, Le cheval dressa
les oreilles et se mit au galop vers l’apparition. Soudain la guerre dont il se
souvenait l’animait d’une joie forcenée. Tête basse il galopait vers le moulin
comme vers un ennemi. La complainte à ses oreilles devenait un hymne menaçant.
Les fontes de sa selle brinquebalaient au vent de sa course.
    La
tablette qui dépassait à l’air libre se souleva alors de la sacoche et le vent
l’emporta vers les pales des ailes qui ronflaient avec un bruit cahotant de
rouet funèbre.
    Un ânier
qui apportait deux sacs de blé sur sa bourrique s’arrêta interdit. La tablette
aux couleurs chatoyantes virevoltait dans l’air, s’accrochait aux entoilures
des pales, était violemment plaquée au sol.
    — Symphorien !
hurla l’ânier.
    Sous
l’effet du mistral l’entoilure mobile oscillait sur l’axe de la tour de pierre.
Un homme tout blanc jaillit par l’huis sans porte. Le vent soufflait dehors et
dedans.
    — Qu’est-ce
que tu as ? dit le meunier courroucé.
    Il
contemplait l’ânier qui pointait le doigt stupidement vers le sol.
    — Il
vient de perdre ça ! cria-t-il.
    — Quoi
ça ?
    — Ça
là ! Dans l’herbe, contre le mur !
    — Qui
a perdu ? dit le meunier.
    Il était
de plus en plus en colère parce qu’il ne comprenait pas.
    — Le
cheval ! dit l’ânier.
    Il
désignait la bête qui galopait au loin dans le silence pareil au tumulte que
brassait le vent.
    Le
meunier s’immobilisa soudain craintif.
    — Il
est noir ! dit-il à voix basse.
    — Justement.
Il est noir ! Regarde un peu voir ce qu’il a perdu en route !
    — Tu
aurais pas dû le laisser filer !
    — Et
qu’est-ce que tu voulais que je fasse ?
    — Le
retenir.
    — C’est
ça ! Pour me faire estropier. On aurait dit que le vent l’emportait !
    Le
meunier se courbait jusqu’à terre, se mettait à ramper même car les ailes dans
leur mouvement descendant étaient presque au ras du sol. La tablette clapotait
dans l’herbe. Le meunier la saisit brutalement comme une proie qui risque de
s’échapper. Il

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