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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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envoyèrent aux nouvelles. Les valets bleus
particuliers au roi, qui crurent obligeant d’écouter aux portes, fût-ce en les
entrebâillant, ne recueillirent que soupirs et cris de joie, qu’ils
rapportèrent fidèlement.
    Palamède
retrouvait Versailles comme il l’avait quitté. Il était curieux de revoir la
Cour, après trois mois d’absence. Rien n’y avait bougé. Étant enfant, il avait
été proche de tout ce que la noblesse comptait comme fleurs des pois de par sa
grande naissance.
    Le roi
avait été plein de bonté. S’étant fait donner des nouvelles de lui et ayant
appris qu’il en réchappait, il lui avait envoyé Maréchal son chirurgien, lequel
l’avait accommodé comme il avait pu mais néanmoins lui avait fait un appareil
qui lui permettait de marcher tant bien que mal.
    C’était
le grand émoi du soir à Versailles. La foule courtisane accourait au coucher du
roi. Gaussan rencontra devant la porte des grands appartements le duc de
Saint-Simon, auquel ses porteurs durent céder la main.
    En
passant, le duc voulut faire une honnêteté à Palamède.
    — Eh
bien, Gaussan, lui dit-il, vous avez de la chance ! Vous voici fait comme
monsieur de Turenne !
    — Oui,
répondit Palamède, sauf que lui il en est mort et que moi, hélas, j’en ai
réchappé.
    Dans la
chambre du roi, il était difficile de glisser une aiguille. Les duchesses
porteuses de ployants et qui les trimballaient partout avec elles à bout de
bras, afin de bien marquer leur prérogative qui était de s’asseoir en tout lieu
où se trouvait Sa Majesté, ces duchesses interdisaient le passage. Pour un
homme mal assuré sur une seule jambe, il tenait par miracle, conforté par la
foule.
    Soudain
il se trouva au large comme par enchantement, voyant devant lui le lit
d’apparat et trois valets bleus qui déployaient une grande pièce de soie. Tout
le monde s’était écarté et les duchesses plongeaient en révérence. C’est que Sa
Majesté venait de dire d’une voix posée :
    — La
chemise à monsieur de Gaussan !
    C’était
le duc de Guise, ce soir-là, qui tenait le bougeoir. Il s’écarta pour permettre
à Gaussan de s’incliner malaisément devant le roi. Au loin et auprès le
courtisan bourdonnant glissait à l’oreille de son voisin :
    — Voici
monsieur de Gaussan qui vient faire sa révérence au roi de sa jambe
emportée !
    — Sire,
dit Gaussan au roi, souffrez qu’un homme qui a perdu une jambe au service de
Votre Majesté ne mette devant Votre Majesté qu’un seul genou en terre !
    C’était
le cardinal, son oncle, directeur de conscience du roi, qui lui avait appris
cette longue phrase. Le roi sourit et le releva gracieusement.
    Plutôt
que le premier monarque de l’Europe et le plus éclatant, Louis XIV
personnifiait le malheur. Sous la perruque monumentale dont la seule vue
imposait l’image d’un roi en sa majesté, celui-ci montrait le squelette de sa
noblesse déjà sculpté sur son visage. Le Roi-Soleil portait sur ses méplats
l’ombre irrémédiable qui efface la grandeur et fait que déjà l’oubli peut se
dessiner sur les visages charmants de ceux qui vous observent chaque soir
mourir un peu plus.
    Cette
perruque menaçante, que l’artiste qui l’avait dessinée avait voulue à la fois
terrible et bienveillante, encadrait en réalité, pour l’œil exercé des
courtisans, les traits émaciés sous la poudre d’un vieillard écrasé par l’âge
et ses inconvénients. Il était voûté, en dépit qu’il se redressât d’un pied en
toute occasion. Il n’avait plus de dents, et ni la chemise de soie ni l’ordre
du Saint-Esprit dont il portait la miniature au cou jusque dans son lit ne
pouvaient dissimuler la préfiguration de la mort inscrite sur tous ses traits.
Les passions qui l’avaient gouverné l’avaient aussi abattu. En outre, il
commençait à souffrir d’un ulcère à la jambe qui ne guérissait pas. Il souffrait
aussi dans sa famille qui était loin de refléter la majesté qu’il avait voulu
imposer partout. Son fils était petit et gros, c’était un énorme mangeur qui
avait déjà à plusieurs reprises souffert d’apoplexie ; son petit-fils le
duc de Bourgogne était un dévot bossu ; le duc de Berry, son autre
petit-fils, était un niais marié à une folle. De plus le Roi-Soleil avait le
malheur, avec le doigté nécessaire, d’être toujours dirigé alors qu’il se
croyait omnipotent.
    Quoique
né en cette noire forteresse de Mane qui

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