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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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purge ou un émétique. Je n’exigerais même pas que tu me dises son nom, en fait je préférerais que tu t’en abstiennes puisque tu m’as promis d’éviter tout rapport avec une femme qui pourrait éveiller ma jalousie. Est-ce que ces sentiments n’ont pas été ceux de Livie pour Auguste   ?
    —  Oui, d’une certaine façon. Mais elle ne l’a jamais vraiment aimé. À ce qu’elle m’a dit. C’était d’autant plus facile pour elle de se montrer attentionnée. Elle avait l’habitude de choisir sur le marché de jeunes esclaves qu’elle faisait amener en secret le soir dans sa chambre. Des Syriennes, pour la plupart, je crois.
    —  Tu ne me demanderais tout de même pas un service pareil. Après tout, je suis humaine.
    Ce fut ainsi que Messaline abusa, très habilement et très cruellement, de l’amour aveugle que je lui portais. Elle déménagea le soir même et s’installa dans le nouveau palais. Et pendant longtemps je me tus dans l’espoir qu’elle me reviendrait. Mais elle ne dit rien, se contentant de me faire comprendre par la tendresse de son attitude qu’une compréhension très subtile persistait entre nous. Elle condescendait parfois à venir dormir avec moi. Cela se passait sept ans avant que me parviennent les premières rumeurs sur les scènes qui se déroulaient dans les appartements du nouveau palais tandis que le vieux mari cocu travaillait ou ronflait tranquillement au vieux palais.
    Me voici amené par ce biais à conter l’histoire d’Appius Silanus, un ex-consul qui avait été gouverneur d’Espagne depuis le règne de Caligula. C’était grâce au mariage avec ce Silanus, je le rappelle, que Livie s’était arrangée pour obtenir d’Émilie qu’elle trahît Postumus   ; Émilie était l’arrière-petite-fille d’Auguste que j’avais failli épouser dans mon adolescence. Par Émilie, Silanus était devenu le père de trois garçons et de deux filles, tous déjà grands maintenant. À l’exception d’Agripinilla et de son petit garçon, ils étaient les seuls descendants vivants d’Auguste. Tibère jugeant Silanus dangereux en raison de ses liens illustres avait fait en sorte qu’il soit accusé de trahison avec plusieurs autres sénateurs, dont Vinicianus. Cependant, les preuves accumulées contre eux s’effondrèrent et ils en furent quittes pour la peur. À seize ans, Silanus avait été le plus joli garçon de Rome   : à cinquante-six, il était encore superbe, les cheveux légèrement grisonnants, l’œil vif, avec la démarche et l’allure d’un jeune homme. Il était veuf maintenant, Émilie étant morte d’un cancer. L’une de ses filles, Calvina, avait épousé un fils de Vitellius.
    Un jour, peu après la naissance de la petite Octavie, Messaline m’avait dit   :
    —  L’homme dont nous avons vraiment besoin à Rome est Appius Silanus. J’aimerais que tu puisses le rappeler et le garder en permanence au palais comme conseiller. Il est remarquablement intelligent et très mal utilisé en Espagne.
    —  Oui, lui avais-je répondu, ce n’est pas une mauvaise idée. J’admire Silanus et son influence est grande au Sénat. Mais comment pourrions-nous le persuader de venir vivre avec nous   ? Il n’est guère concevable de l’introduire au palais comme nous le ferions d’un nouveau secrétaire ou d’un nouveau comptable. Nous devons trouver une sorte de prétexte honorable à sa présence.
    —  J’ai pensé à ce problème et une brillante idée m’est venue. Pourquoi ne pas l’apparenter à notre famille en le mariant à ma mère   ? Elle a envie de se remarier   ; elle n’a que trente-trois ans. Et elle est ta belle-mère, de sorte que ce serait un grand honneur pour Silanus. Dis-moi, je t’en prie, que c’est une bonne idée.
    —  Ma foi, si tu peux t’arranger avec ta mère…
    —  Je le lui ai déjà demandé. Elle a dit qu’elle en serait ravie.
    Ainsi, Silanus revint à Rome et je le mariai à Domitia Lépida, la mère de Messaline. Je leur attribuai un appartement dans le nouveau palais, à côté de celui de Messaline. Je remarquai bientôt que Silanus se trouvait mal à l’aise en ma présence. Il s’acquittait avec empressement des tâches que je lui confiais, effectuant par exemple des visites surprises aux tribunaux inférieurs afin de s’assurer que la justice était convenablement rendue, ou encore inspectant les quartiers les plus pauvres de la ville et me faisant un rapport sur les conditions de

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