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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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logement, ou encore assistant à la vente aux enchères publiques des biens confisqués par l’État afin de vérifier l’honnêteté des commissaires-priseurs   ; mais il semblait incapable de me regarder en face et évitait avec soin toute conversation intime. J’en prenais quelque ombrage. Mais, après tout, je ne risquais guère de découvrir la vérité, qui était la suivante   : Messaline m’avait demandé de faire revenir Silanus d’Espagne uniquement parce qu’elle avait été amoureuse de lui quand elle était jeune fille   ; elle l’avait marié à sa mère dans le seul but de le rapprocher d’elle et, depuis son retour, l’avait pressé avec insistance de coucher avec elle. Incroyable   ! Son propre beau-père, mon aîné de cinq ans, grand-père d’une petite-fille à peine plus jeune que Messaline   ! Qu’il eût envers moi une attitude bizarre était bien naturel   ; en effet, Messaline lui avait dit qu’elle s’était installée dans le nouveau palais sur mon ordre et que je l’avais encouragée moi-même à devenir sa maîtresse. Je voulais, prétendait - elle, qu’elle continuât à se divertir pendant que j’entretenais une liaison absurde avec une certaine Julie qui avait jadis été la femme de mon neveu Néron   ; nous l’appelions Hélène, pour la distinguer des autres Julies, mais elle répondait maintenant au nom de Héluo, tant elle était devenue gloutonne. Apparemment, Silanus croyait cette histoire, mais il refusait fermement de coucher avec sa belle-fille, malgré sa beauté, fût-ce sur la suggestion de l’empereur   : il était, disait-il, d’un tempérament amoureux, mais non sacrilège.
    —  Je te donne dix jours pour te décider, l’avait menacé Messaline. Si tu me refuses au bout de ce délai, je dirai tout à Claude. Tu sais à quel point il est devenu vaniteux depuis qu’on l’a fait empereur. Il n’aimera pas apprendre que tu as dédaigné sa femme. Il te tuera certainement, n’est-ce pas, Mère   ?
    Domitia Lépida, sous l’entière domination de Messaline, fit chorus. Silanus les crut. Ses expériences sous Tibère et Caligula avaient fait de lui, sans qu’on le sût, un antimonarchiste, encore qu’il se mêlât fort peu de politique. Il croyait sincèrement qu’on ne pouvait se trouver à la tête de l’État sans sombrer tôt ou tard dans la tyrannie, la cruauté et la luxure. Le neuvième jour, il n’avait toujours pas cédé à Messaline, mais il avait atteint un tel état de nervosité et de désespoir qu’il était, semble-t-il, presque résolu à me tuer.
    Mon secrétaire Narcisse fut témoin, ce soir-là, de l’extrême confusion dont Silanus était la proie. Comme il le rejoignait dans un couloir du palais, il l’entendit marmonner d’une voix à peine intelligible   : «   Cassius Chéréas… Vieux Cassius. Fais-le… mais pas tout seul.   » Narcisse qui, à ce moment-là, pensait à autre chose, entendit les mots, mais n’y prêta guère attention. Ils s’inscrivirent dans sa tête et, ainsi qu’il arrive souvent dans de telles circonstances, comme il se couchait le soir même sans y avoir repensé, ils s’insinuèrent dans son rêve et s’y amplifièrent pour donner naissance à une terrible image de Cassius Chéréas tendant à Silanus son épée sanglante et lui disant   : «   Vas-y   ! Frappe   ! Frappe encore. Le vieux Cassius est avec toi   ! Mort au tyran   !   », puis de Silanus se ruant sur moi et me perçant des coups de sa lame. Son rêve était si réel et si chargé de véhémence que Narcisse sauta hors de son lit et courut jusqu’à ma chambre pour me le raconter.
    Le choc causé par ce réveil brutal aux approches de l’aube, la voix terrifiée de Narcisse contant son cauchemar –  je dormais seul et mal  – me donnèrent des sueurs froides. Je fis apporter des lumières –  des lumières par centaines  – et envoyai à l’instant même chercher Messaline. Elle aussi fut terrifiée par cet appel urgent   ; sans doute craignait-elle d’avoir été percée à jour. Elle dut être bien soulagée de m’entendre lui raconter simplement le cauchemar de Narcisse. Elle frissonna. «   Non   ! A-t-il vraiment fait ce rêve   ? Dieux puissants   ! C’est ce même rêve dont je m’efforce de me souvenir chaque matin depuis sept jours   ! Je m’éveille toujours en criant, mais sans jamais me rappeler la raison de mes cris. Cela doit être vrai. Oui, c’est sûrement vrai.

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