Claude, empereur malgré lui
qu’un document présenté par mes surbordonnés prescrivant une action disciplinaire rigoureuse, un engagement financier important ou toute modification radicale dans la procédure, ne fût revêtu de ma signature, il n’était pas valable, et si un exécutant passait outre à cette règle impérative, il devait en supporter le blâme. Pour finir, cette méthode, également appliquée par mes principaux ministres dans leurs relations avec leurs subordonnés, prit une telle extension que l’on n’entendait pratiquement plus un mot dans les bureaux du gouvernement, durant les heures de travail, sauf quand les chefs des divers services se consultaient entre eux ou que des fonctionnaires de la cité y venaient en visite. Tous les serviteurs du palais portaient sur eux une tablette de cire où consigner des ordres spéciaux en cas de nécessité. Tous les demandeurs d’emplois, de subsides, de faveurs, de privilèges ou autres furent invités à soumettre un document en entrant au palais, déclarant exactement ce qu’ils voulaient et pourquoi ; et sauf en de rares occasions, ils n’étaient pas autorisés à plaider oralement leur cause. Cette procédure permettait un gain de temps appréciable mais elle valut à mes ministres une réputation imméritée d’arrogance.
De ces ministres je vais maintenant vous parler. Durant les règnes de Tibère et de Caligula, la direction réelle des affaires était tombée de plus en plus entre les mains des affranchis impériaux, formés à l’origine comme secrétaires par ma grand-mère Livie. Les consuls et les magistrats de la cité, bien qu’investis d’une autorité indépendante et responsables devant le seul Sénat de leur compétence professionnelle, en étaient venus à dépendre des conseils donnés, au nom de l’empereur, par ces secrétaires, en particulier en cas d’affaires compliquées liées à des problèmes légaux et financiers. On leur montrait où apposer leur sceau, où signer leurs noms ; les documents étaient déjà préparés à leur intention et ils se donnaient rarement la peine de prendre connaissance de leur contenu. Leur signature se bornait dans la plupart des cas à une simple formalité et leurs notions de procédure administrative étaient nulles comparées à celles des secrétaires. En outre, ces derniers avaient mis au point une nouvelle forme d’écriture, fourmillant d’abréviations, de hiéroglyphes, de lettres à peine formées, qu’ils étaient les seuls à pouvoir lire. Je savais qu’il ne fallait pas escompter un changement rapide dans le comportement de ces secrétaires vis-à-vis du reste du monde, aussi renforçai-je plutôt que je les affaiblis leurs pouvoirs, confirmant les nominations des affranchis de Caligula qualifiés. Par exemple, je gardai Callistus, qui avait été secrétaire à la fois de la Cassette privée et du Trésor public, que Caligula considérait plutôt comme une autre Cassette privée.
Au courant du complot qui se tramait contre Caligula, il n’y avait pris aucune part active. Il me raconta une longue histoire selon laquelle ayant récemment reçu l’ordre de Caligula d’empoisonner ma nourriture, il avait noblement refusé d’obéir. Je n’en crus pas un mot. Tout d’abord, Caligula ne lui aurait jamais donné ce genre d’instructions, mais aurait versé le poison de ses propres mains comme d’habitude ; ensuite, à supposer qu’il l’ait fait, jamais Callistus n’aurait osé désobéir. Néanmoins, je laissai passer ce pieux mensonge, car il semblait très désireux de conserver ses fonctions au Trésor et il était le seul homme à comprendre tous les aspects de la situation financière actuelle. Je l’encourageai en lui déclarant qu’il avait selon moi brillamment manœuvré pour fournir pendant si longtemps des fonds à Caligula et que je comptais sur lui désormais pour utiliser son flair de financier pour le salut de Rome plutôt que sa destruction. Ses responsabilités comportaient la direction d’enquêtes judiciaires pour toutes les questions de finances publiques. Je gardai Myron comme secrétaire juridique et Posides comme trésorier militaire et confiai à Harpocras la direction de toutes les affaires concernant les jeux et les spectacles. Quant à Amphéus, il conserva le contrôle de l’état civil. Myron avait également pour tâche de m’accompagner partout où j’allais en public, examinant les messages et les pétitions qui m’étaient remis,
Weitere Kostenlose Bücher