Claude, empereur malgré lui
que j’étais seul responsable de la sentence. Pourtant, ce n’était vraiment pas ma faute.
Je rappelai tous les exilés qui avaient été bannis pour trahison ; mais seulement après avoir demandé l’autorisation du Sénat. Parmi ceux-ci se trouvaient mes nièces Agripinilla et Lesbie qui avaient été envoyées sur une île au large de la côte d’Afrique. Pour ma part, je ne les aurais certainement pas autorisées à rester là-bas, mais je ne les aurais pas non plus invitées à revenir à Rome. Elles s’étaient montrées l’une et l’autre fort insolentes envers moi et avaient toutes deux eu des rapports incestueux avec leur frère Caligula, de leur plein gré ou non je l’ignore ; quant aux autres adultères qu’elles avaient commis, ils avaient provoqué un scandale général. Ce fut Messaline qui intercéda en leur faveur auprès de moi. Je me rends compte maintenant que cette démarche lui donnait un merveilleux sentiment de puissance. Agripinilla et Lesbie l’avaient toujours traitée avec une extrême hauteur, et maintenant qu’elles se savaient rappelées à Rome grâce à sa générosité, elles se sentiraient obligées de s’humilier devant elle. Mais à l’époque, j’avais cru que Messaline agissait par pure bonté d’âme. Mes nièces rentrèrent donc et je constatai que l’exil n’avait en rien entamé leur vitalité, encore que leur peau délicate eût été fâcheusement tannée par le soleil d’Afrique. Sur ordre de Caligula, elles avaient été contraintes de gagner leur vie en pêchant des éponges. Néanmoins, commentant cette épreuve, Agripinilla se contenta de dire qu’elle n’avait pas totalement perdu son temps. « Je nage maintenant comme un poisson. Si on veut me tuer, qu’on n’essaye pas la noyade. » Elles décidèrent de se payer d’effronterie pour justifier la déshonorante teinte servile de leurs visages, de leurs cous et de leurs bras et lancèrent parmi leurs nobles amies la mode du bronzage. Le brou de noix devint une eau de toilette en vogue. Les intimes de Messaline, cependant, gardèrent leur teint naturel de lys et de rose et désignèrent avec mépris les adeptes du bronzage par le terme de « pêcheuses d’éponges ». Lesbie exprima sa reconnaissance à Messaline du bout des lèvres et ne me remercia pratiquement pas. Elle se montra odieuse. « Tu nous as fait attendre dix jours de plus que nécessaire, se plaignit-elle, et le bateau que tu nous as envoyé était infesté de rats. » Agripinilla plus avisée nous exprima à tous deux sa gratitude par de gracieux discours.
Je confirmai Hérode dans sa souveraineté sur les royaumes de Basan, de la Galilée et de Giléad, auxquels j’ajoutai la Judée, la Samarie et Édom, si bien que ses colonies étaient maintenant d’une superficie égale à celles de son grand-père. J’adjoignis aux territoires du nord Abilène, qui avait fait partie de la Syrie. Lui et moi conclûmes une alliance solennelle, confirmée par des serments prononcés sur la place du Marché en présence d’une foule immense, et par le sacrifice rituel d’un porc, une cérémonie antique remise à l’honneur pour la circonstance. Je lui conférai également la dignité de consul Romain, qui n’avait encore jamais été décernée à un homme de sa race. Cette initiative soulignait le fait qu’au cours de la crise récente, le Sénat, faute de trouver un Romain de naissance capable d’une réflexion lucide et impartiale, était venu solliciter son avis. À la requête d’Hérode, je donnai également le petit royaume de Chalcis à son jeune frère, Hérode Pollion ; Chalcis est situé à l’est de l’Oronte, près d’Antioche. Il ne demanda rien pour Aristobule ; Aristobule ne se vit donc rien attribuer. Je libérai également avec joie Alexandre l’alabarque et son frère Philon, qui se trouvaient toujours en prison à Alexandrie. À ce propos, je voudrais signaler que lorsque le fils de l’alabarque, auquel Hérode avait marié sa fille Bérénice, mourut, Bérénice épousa alors son oncle Hérode Pollion. Je confirmai Pétrone dans son titre de gouverneur de Syrie et lui envoyai une lettre personnelle de félicitations pour le bon sens dont il avait fait preuve dans l’affaire de la statue.
Je suivis le conseil d’Hérode concernant les dalles de marbre destinées à orner l’intérieur du temple de Caligula ; elles faisaient très bon effet tout autour du Cirque. Il me
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