Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
pouvait-il être entré en sa possession et surtout, pourquoi ?
Celui-ci ouvrit le pli et lut :
— « Depuis deux mois, des meurtres d’une barbarie extrême se déroulent dans une ville de campagne du nom de Saint-Alban. On a retrouvé pas moins de six corps de femmes et d’enfants dévorés dans le village et à la lisière des bois de la Ténazeyre. D’après ce dossier, il y aurait une similitude avec des meurtres qui auraient eu lieu au même endroit à la fin du XVIIe siècle, de 1764 à 1767. »
— « La Bête du Gévaudan » avait massacré plus d’une centaine de personnes. Elle a été abattue dans les bois du Mont Mouchet. Mais je ne pense pas qu’une telle créature puisse faire de nouveau des ravages à notre époque.
— Sauf si notre fichu gouvernement dissimule les faits ! grogna férocement Nicolas. Bon ! J’ai pris contact avec deux connaissances qui tiennent une gazette là-bas et ils vous attendent dès ce soir ! Vous partez par le train de quatorze heures !
Sans dire un mot, les deux journalistes acquiescèrent. D’un signe, Nicolas leur enjoignit de quitter la pièce et de refermer la porte derrière eux.
Les épaules de Morgan s’affaissèrent d’un seul coup : voilà qu’ils repartaient à l’autre bout du pays ! Il se consola en songeant que cette fois-ci, le périple serait plus agréable, à condition que Clio laisse tomber le mur de glace derrière lequel elle se dissimulait.
— Bon, je vais rentrer prendre mon sac, tu veux que je te dépose devant chez toi ?
— Non merci. Je vais cependant te donner un petit conseil, tu devrais faire comme moi : avoir toujours une valise prête. Avec Nico, on ne sait jamais… Aujourd’hui, Paris… et demain, Tokyo…
— Tu ne sembles pas surprise que Nicolas nous parle de cette affaire, remarqua tout à coup son compagnon. Je veux que tu me dises tout !
— Je n’ai aucun compte à te rendre ! rétorqua Clio en reculant pour éviter la main qu’il tendait vers elle.
— Figure-toi que si ! Je suis ton partenaire au cas où tu l’aurais oublié, et tout ce qui se rapporte à cette enquête me regarde autant que toi.
Elle se mordit les lèvres. Ce simple geste déclencha chez son collègue une foule d’émotions mais il prit sur lui pour rester de marbre et obliger Clio à lui répondre. Elle s’approcha et lui souffla à l’oreille :
— On en parlera dans le train, tout à l’heure.
Avec un sourire, il s’assura que personne ne pouvait les voir et, sans qu’elle ait le temps de protester, il referma son bras autour de sa taille et l’attira à lui. Effleurant doucement sa joue de ses lèvres, il lui murmura :
— Merci. Et je t’en prie, cesse de me repousser et de me faire la guerre ! Je suis ton ami et je veux être près de toi sans craindre que tu ne me rejettes !
Il déposa un baiser sur son front, en profitant ainsi pour respirer son parfum, et lui donna rendez-vous à la gare. En le regardant s’éloigner, Clio avait le cœur partagé entre la joie et la peur de cette tentative de rapprochement.
Une fois seule, elle quitta à son tour les locaux du journal. Sa valise étant déjà prête et le temps pour une fois clément, elle s’accorda une balade le long de la Seine, aux abords de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. À présent, elle pouvait réfléchir à son rêve. Mais en était-ce vraiment un, ou bien une vision ? Ainsi, Zeus avait choisi une gardienne et un leurre pour cette mission, sans en informer Janus... Connaissait-il au moins leurs identités ?
Soudain, l’idée de redevenir une femme comme les autres la frappa si fort qu’elle en resta plusieurs minutes sans réaction. Elle serait de nouveau Clio, elle n’aurait plus à avoir peur de ce lien qui se tissait avec Morgan car, elle devait l’admettre, plus le temps passait et plus ils se rapprochaient.
Le souvenir de ses lèvres l’effleurant réveilla en elle le désir exquis de goûter sa peau, d’être dévorée de baisers par cet homme, de le sentir frissonner sous ses doigts… Une bouffée de chaleur lui monta aussitôt au visage au souvenir de la scène dans le bureau de Nicolas ; ses joues s’embrasèrent.
Ses genoux tremblaient et elle dut s’accouder au muret qui bordait le fleuve. Une vie ordinaire s’offrait à elle, elle pourrait enfin construire des projets d’avenir, avoir des enfants, une famille comme elle n’en avait plus connue depuis l’âge de treize ans… Son père,
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