Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

accompagnera.
    Une fois dehors, le couple regarda leur collègue partir. Un peu plus loin, un homme d’une trentaine d’années se tenait près d’un véhicule et les fixait de ses yeux d'un noir intense. Plus grand que la moyenne, ses cheveux ébène tombaient avec élégance sur ses épaules. Un sourire chaleureux apparut sur ses lèvres.
    — Clio Kelly et Morgan Chevalier, je suppose ? demanda-t-il d’une voix grave, légèrement enrhumée.
    — Vous supposez bien, répondit Morgan en passant un bras protecteur autour des épaules de Clio. Pouvons-nous savoir à qui nous avons à faire ?
    — Bien entendu ! Je m’appelle Anthony Gonsalvese et je suis le partenaire de Romain.
    — Savez-vous qui est la nouvelle victime et où a eu lieu l’attaque ?
    — Comme pour les autres agressions, il s’agit d’une femme. Martine Nataniya, vingt ans. Elle a disparu il y a deux jours, à la sortie d’une boîte de nuit ; ses amis ont affirmé l’avoir laissée à l’entrée de Saint-Étienne de Lugdarès mais, le lendemain matin, ses parents les ont appelés pour leur dire qu’elle n’était pas rentrée. Puis ils ont prévenu la police. Le vieux John, l’ancien garde forestier, l’a trouvée à l’aube dans une clairière, pendant sa promenade quotidienne.
    Le voyage fut de courte durée. Lorsqu’ils arrivèrent, Morgan tendit son bras à Clio pour l’aider mais elle le refusa et marcha seule dans la neige. Quand elle rejoignit Romain, il parlait avec un policier.
    — Nous pourrons prendre des photos dès qu’ils auront retiré le cadavre.
    — Et vous pensez que ça va prendre longtemps ? questionna la jeune femme en resserrant sa veste auteur d’elle.
    — Non, nous avons fini les prélèvements, répondit quelqu’un derrière Clio.
    Grande et menue, la nouvelle arrivante avait un visage ovoïde, de grands yeux en amande d’un noir qui ressemblait à celui des fonds marins, le nez légèrement crochu, comme un bec d’aigle, et le teint pâle. Ses lèvres pulpeuses en forme de cœur étaient d’un rouge vermillon. Une longue chevelure sombre tombait sur ses épaules en une vague ondulante. Elle portait un épais pull en coton vert, un pantalon élimé vers le bas et, par-dessus, une veste en tweed. Le sang de Clio ne fit qu’un tour en reconnaissant la femme de la veille.
    Romain fit les présentations :
    — Bonjour ! Professeur Alexia Tova Rovéka, notre éthologue.
    — Rovéka ? Oui, j’ai entendu parler de vous. Vous êtes Russe, c’est cela ?
    — Oui, en effet, mais je travaille d’habitude en Suède. Je suis venue en France en tant que spécialiste pour tenter d’identifier la créature  ayant attaqué ces jeunes personnes.
    Tandis que Romain et le policier se lançaient dans une conversation au sujet des meurtres, les deux femmes se défièrent du regard. La gorge sèche, Clio n’avait jamais senti une aura d’une telle puissance.
    — Damien, va à la morgue ! Je retourne au poste ! cria Alexia au médecin légiste. J’emmène les journalistes là-bas ! Tu nous y rejoins !
    Puis elle se tourna vers Clio :
    — Kelly, accepteriez-vous de partager mon véhicule ?
    — Mais bien sûr ! fit-elle aussitôt, sans laisser aux autres le temps de protester.
    Clio adressa un signe de tête à son partenaire et suivit Alexia. Elles montèrent en voiture et attachèrent leur ceinture. Pendant quelques minutes, elles n’échangèrent pas le moindre mot.
    — Je ne t’aurais jamais imaginée comme ça, dit soudain Alexia. Mais plus âgée et plus grande.
    — Désolée de te décevoir ! ironisa Clio.
    — Je suis une Néréide [4] . Et toi, qui es-tu ?
    — Je suis une des Muses. Je suis la « Muse de l’Histoire ».
    — À ce que je constate, ils ont tout prévu ! J’ai pu apercevoir ton devëlite la nuit dernière. Intéressant mais peu discret. Le mien, comme tu as pu le remarquer, est un ocelot : elle s’appelle Melicerte. Et le tien ?
    — Il s’agit d’Hermès et habituellement il prend l’apparence d’un renard argenté.
    — Tu veux parler du Dieu Hermès ? Le Messager de Zeus ?
    — Oui, répondit Clio.
    — Eh bien, tu as eu droit au choix des choix ! s’exclama Alexia.
    — D’après Hermès, la bête serait une Créature de l’Ancien Temps : un Lycaon ou un Cerbère.
    — Oui. Melicerte pense la même chose, confirma Alexia. Il semblerait toutefois que cette Créature ne choisisse pas ses proies au hasard…
    — Que veux-tu dire ?
    — Que