Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
joues d’Alexia prenaient une couleur rouge vif, Clio et Morgan durent se mordre les lèvres jusqu’au sang pour ne laisser aucun son leur échapper.
Très gêné, Romain remercia avec rapidité Arthur et s’empressa d’entraîner le groupe jusqu'à la première salle. Lorsqu’ils furent certains que l’homme ne pourrait plus les entendre, une explosion de rire envahit les lieux. Sous le regard furibond d’Alexia, Clio riait tant qu’elle dut s’adosser au mur et se tenir les côtes. Ses yeux pétillaient de malice quand elle se redressa et murmura :
— Je suis sûre qu’il adorerait partager ensuite un bain de vapeur.
— On est là pour visiter ce lieu de perversité ou quoi ?
— Ne le prenez pas mal, Devoka ! sourit Romain. Il voulait plaisanter.
Malgré ces paroles, Clio aurait mis sa tête à couper que le dénommé Arthur était des plus sérieux.
Commençant la visite, elle regarda les statues de cire et les décors reproduisant les paysages à l’époque de la Bête. Elle écouta d’une oreille distraite Romain tenter de plaider la cause d’Arthur et elle fut très surprise lorsque Morgan glissa son bras sous le sien.
— Alors, que s’est-il passé avec notre Suédoise ?
— Pourquoi cette question ? demanda Clio sur ses gardes.
Après un moment, elle finit par répondre d'elle-même :
— Rien, elle me tape sur les nerfs, c’est tout.
— Ça, je veux bien te croire ! Mais ce n’est pas tout, je le sens.
— Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat, répliqua-t-elle, mi-figue, mi-raisin.
En s'attardant sur un tableau qui présentait l'une des chasses du XVIIIe siècle, Clio ne parvenait pas à comprendre pourquoi elle ressentait tant de tristesse… Ne pas être la gardienne lui enlevait un énorme poids des épaules mais, au fond de son être, une petite voix lui soufflait qu’elle était née pour cela, pour protéger les gens et empêcher le retour de la déesse céleste.
— Sais-tu si les loups ou les chiens peuvent arracher la tête de leur victime ? interrogea Morgan alors qu'il observait les toiles montrant des corps mutilés ou décapités.
— Oui, et la réponse est non. C’est ce qui me laisse penser que la Bête de l’époque était un animal dressé pour tuer. L’homme qui l’accompagnait devait abuser des victimes et découper chaque tête. Bien sûr, au XVIIIe siècle, personne ne vérifiait si ces jeunes filles avaient été violées. Et pourtant, plusieurs rapports ont établi que certaines victimes avaient été malmenées de manière post-mortem.
— Post-mortem ? Que veux-tu dire par là ? Non, attends ! Ne me dis pas que l'on aurait abusé des cadavres !
— J’aimerais bien savoir si nos victimes ont, elles aussi, subi les mêmes sévices. Dans l’un des rapports que Nicolas nous a confié, il est dit que des enfants ont été décapités. En revanche, j'ignore si des tests ont été effectués dans le but de retrouver des traces de métal…
Morgan n’eut pas le temps de poursuivre que Romain l’appela. Celui-ci donnait l’impression d’avoir échappé à un fauve. Amusée, Clio était sûre que l’état de son collègue n’était pas étranger à l’humeur d’Alexia. Elle jugea préférable de rester à l’écart et reprit la visite seule ; Morgan la rattraperait un peu plus loin, le temps de jouer les arbitres entre Alexia et Romain.
Alors qu’elle avançait selon le parcours tracé au sol en suivant les flèches, Clio manqua de trébucher. Baissant la tête pour se rendre compte de la nature de l'obstacle, elle découvrit une petite fille, dont les yeux étaient emplis de larmes par la mauvaise plaisanterie de son frère. L'enfant s'accrochait à sa jambe.
Clio lui offrit un sourire pour la rassurer, la prit dans ses bras et la rendit à sa mère, laquelle la remercia, confuse du comportement de ses enfants. Elle lui présenta des excuses, puis lança un regard exaspéré à son époux et à son fils, qui affichèrent une expression coupable des plus comiques.
Clio continua sa visite en observant l’un des rares portraits du marquis d’Apcher et du comte de Morangiès. D’après certaines rumeurs, le comte aurait été responsable de ces morts mystérieuses.
— Pour répondre à ta question, les corps sont en trop mauvais état pour qu’on puisse déceler des particules d’acier provenant d’un couteau de boucher ou d’une hache.
Clio eut l’impression d’avoir mis les doigts dans une prise en
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