Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
de temps pour passer à l’attaque !
— Les jeux sont faits, soupira Janus en se tournant vers Clio.
Elle lut de la tristesse sur son visage.
— Je suis désolé, Clio, j’aurais dû tout te dire depuis le début , mais tu comprendras que je devais avant tout protéger l’élue.
Il avala péniblement sa salive avant de reprendre :
— Alexia Rovéka est la véritable gardienne.
Les larmes montèrent aux yeux de Clio sous le coup de la douleur ; elle porta sa main à son mollet et se mit à le masser pour la dissiper. La jeune femme lança un coup d'œil venimeux à son partenaire, prometteur d’une vengeance qu’il sentirait passer.
Depuis l’aveu de Janus, elle n’arrivait plus à se concentrer sur rien. Hermès, quant à lui, avait sauté par la fenêtre pour ne plus réapparaître.
— Quels sont les suspects de l’époque de la Bête ? demanda-t-elle pour dissimuler son inattention.
— Si je me souviens bien, ils n’étaient pas très nombreux, reprit Morgan en repoussant une mèche de son visage. Les prêtres de campagne n’arrêtaient pas de crier que le responsable de ces crimes était le diable en personne, d’autres prétendaient que c’était une mise à l’épreuve de Dieu…
Morgan fut soudain frappé d'un curieux malaise et il se tourna vers l’une des fenêtres à la recherche de ce qui pouvait bien en être à l'origine. Ce fut Romain qui l’arracha à ses pensées lorsqu’il lui masqua la vue en allant prendre un dossier pour le lire à voix haute :
— Le premier suspect est aussi celui qui a tué la Bête : Jean Chastel. Il avait cinquante-sept ans en 1765. Il est décrit comme étant de taille moyenne et trapue ; l’air bourru, les cheveux blancs et bouclés, lèvres épaisses et visage ridé, il paraissait plus vieux que son âge. Né à Darnes, marié à Anne Charbonnier le vingt-deux février 1735, il a été cabaretier ainsi que cultivateur. Il était craint des autres paysans qui l’appelaient : « De la Masque » ou « fils de Satan ». Il avait neuf enfants, cinq filles et quatre garçons, dont deux ont été suspectés comme leur père : Pierre et Antoine. Enfin, surtout Antoine, qui avait la réputation d’être un meneur de loups. Tous deux étaient garde-chasse aux bois de la Ténazeyre. Antoine a beaucoup voyagé en Afrique, d’où il aurait pu rapporter une créature encore inconnue en France.
— N’oublions pas non plus le comte Jean-François-Charles de Morangès !
— Il avait trente-cinq ans en 1764. Son épouse, Marie-Paule, décédée le dix octobre 1758, était la fille du Duc de Saint-Aignan. Admis très jeune chez les Mousquetaires du Roi, il devint Colonel du régiment de Languedoc. En 1757, il participa à la bataille de Rossbach, remportée par l’empereur Frédéric II de Prusse aux dépens des armées françaises. Son comportement fut loin d’être exemplaire et le jeune Comte de Morangès tomba en disgrâce. Par la suite, Jean-François-Charles mena une vie dissolue, dilapida sa fortune, et ses mauvaises fréquentations furent un scandale public. Il se ruina au jeu et participa à toutes sortes de mauvais coups, tantôt à Paris, tantôt en Gévaudan.
— Si je comprends bien, les Chastel ainsi que ce comte étaient les seuls suspects ? questionna Alexia.
— Pas vraiment ! On était sûr que les Chastel étaient mêlés à cette histoire, cependant, jamais personne n’aurait dit à haute voix qu’un noble pouvait être coupable. Les prêtres persuadaient les paysans qu’il ne pouvait s’agir que d’un châtiment divin, répondit Romain.
— À notre époque, ça m’étonnerait que nous ayons une créature de Satan ici, rit Clio.
— Je partage ton avis. Et je propose que nous fassions une pause pour le moment.
— Je meurs de faim !
— Moi aussi, avoua Clio avec un petit sourire coupable.
— Savez-vous où nous pouvons aller manger, s’il vous plaît ?
— Il y a un petit restaurant sur la place du marché, si ça vous tente, leur proposa Anthony. Romain connaît bien la serveuse, la belle Anaïs Rousset, et nous aurons la meilleure table.
À ces mots, Romain ne put s’empêcher de rougir et de foudroyer son ami du regard mais Anthony parut s’en amuser. Tous enfilèrent leurs vestes et sortirent du bureau. Une fois à ses côtés, Morgan glissa son bras sous celui de Clio.
— Tu es sûre que ça va ? Tu es pâle comme un mort.
— Ça va, ne t’en fais pas ! assura-t-elle.
Lorsqu’ils
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