Clio Kelly et l'éveil de la gardienne
reconnaissant la voix de Remus, tout droit sorti de l’un des décors. Il vint se placer à ses côtés. D’un geste désinvolte, il repoussa une mèche de cheveux qui lui tombait devant les yeux et épousseta sa veste, ce qui lui donna l’air d’un parfait dandy.
— Que faites-vous ici ? interrogea-t-elle d’une voix froide pour dissimuler son malaise.
— Allons, je viens te donner un coup de main puisqu’il semblerait que tu patauges dans ton enquête, répondit-il d’une voix charmante.
— Vous me prenez pour un flic ou quoi ? Je vous rappelle que je suis journaliste ! Je n’ai pas besoin d’aide !
— J’ai vu que tu avais de la concurrence : la brune Suisse.
— Suédoise, rectifia Clio d’une voix lasse. Qu’avez-vous de nouveau à m’apprendre ?
— Il semblerait que les choses soient différentes par rapport à la première fois : je n’ai pas pu me procurer d’autres informations susceptibles de t’aider. L'unique élément nouveau, c’est que l’on n’a retrouvé ni fer, ni carbone, les composants principaux de l'acier, sur les blessures des victimes, ni aucune empreinte. Rien qui aurait pu prouver l'implication d'un homme.
— De toute façon, ce n’est pas à moi d’arrêter cette créature.
— Tout ceci est un test, Clio ! murmura Remus. Un test pour savoir laquelle de vous deux doit être éliminée !
— Que vous voulez-vous dire par là ? questionna-t-elle âprement.
Comme à son habitude, Remus ne répondit rien. Le regard grave, il ressemblait aux statues de cire qui les entouraient. Puis, se décidant soudain à reprendre vie, il saisit le visage de Clio entre ses mains, faisant rougir celle-ci jusqu'à la racine des cheveux, et déposa un baiser sur son front.
— Bonne chance !
Il l’abandonna ainsi.
Clio voulut s’engouffrer derrière lui par la porte qu’il avait franchie quelques secondes auparavant mais elle eut la surprise de surgir à l'intérieur d’un placard à balais ! Avec rage, elle le referma et mordilla son index, signe de nervosité.
— Un jour ou l’autre, je l’aurai ! se promit-elle.
Elle revint sur ses pas et rattrapa la famille qui s'était arrêtée devant l’une des reproductions grandeur nature de la Bête. Celle-ci était aussi haute qu’une vache ; sa gueule était noire et fermée mais laissait tout de même deviner que, sous ses babines, se cachaient des crocs puissants et pointus. Le bas des pattes était d’un roux flamboyant, son dos était parsemé de piquants, tels ceux dont on équipait les chiens pendant les combats.
Clio allait faire demi-tour pour rejoindre Morgan et les autres lorsqu’elle remarqua un fait étrange : elle eut l’impression de voir le ventre de la Bête se soulever très légèrement, comme si elle respirait ! Elle sentit son sang se figer dans ses veines. Lorsqu’elle comprit ce qui allait se passer, Clio fit volte-face et cria à la famille de s’éloigner.
Tout se déroula en quelques secondes : le couple n'eut pas le temps de réagir. Leur petite fille s'était approchée de l'immonde créature et tendait la main pour l'effleurer. Lorsque la Bête s'anima, elle saisit la gamine dans sa gueule béante. L’enfant hurla de douleur et de terreur, tandis que l’animal la soulevait pour mieux la maintenir entre ses crocs.
Sous le regard impuissant du groupe, la Bête s’élança avec la fillette. Clio tenta de s’interposer pour la stopper, mais elle fut projetée contre une des vitrines qui se brisa sous le choc.
Dans une demi-conscience, elle entendit un curieux son semblable à celui d’un sifflet et la Bête leva aussitôt la tête. L’enfant toujours prisonnière, elle s’élança à toute vitesse à travers les salles. Les cris de la petite furent la dernière chose qu’entendit Clio avant de sombrer dans l'inconscience.
Clio se trouvait adossée à l’un des arbres de la forêt du Mont Mouchet. Elle reconnaissait l’endroit et, bien que la neige lui arrivait au mollet, elle n’éprouvait pas la moindre sensation de froid. Avec courage, elle se releva et regarda autour d’elle. Sans en avoir donné l’ordre à son corps, celui-ci avança.
« Je sais où je vais. »
La jeune femme prit à gauche à la fourche, elle choisit le chemin le plus difficile et le plus escarpé, posant ses mains sur les pierres couvertes de neige afin de parvenir à se hisser péniblement sur le haut d’une colline. Plus elle progressait, plus l’obscurité
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