Comment vivaient nos ancêtres
longtemps déjà, l’Église fête les défunts. Tout d’abord, ceux qui ont « réussi », en l’occurrence les saints et les martyrs en tout genre lors de la fête de la Toussaint, le 1 er novembre, puis tous les morts sans discrimination aucune lors de la fête des Morts, le jour suivant, deux fêtes naguère distinctes mais qui se voient plus ou moins confondues en une seule aujourd’hui.
En ces jours, il est autrefois formellement interdit de s’amuser, de travailler, de faire la lessive (par référence aux linceuls des défunts), de remuer la terre (par référence au travail du fossoyeur), et de se marier. De la fin des vêpres du premier jour à la messe du second, les gars du village se relayent pour sonner un glas ininterrompu qui résonne dans la nuit. C’est que cette nuit est une de celles qui ramènent les morts sur terre. Chacun le sait et a soin, chez lui, de laisser la porte ouverte et d’allumer un feu dans la cheminée pour réchauffer le corps glacé du trépassé. Parfois même, un couvert et un repas, comme en Provence ou en Normandie où l’on prévoit volontiers un verre de cidre, sont préparés.
Dans certaines régions, cette fête est choisie comme terme des fermages et des emplois saisonniers. Ailleurs, comme en Bretagne, c’est la Saint-Michel, à la fin de septembre, mais, plus généralement, c’est le jour de la Saint-Martin.
Avant d’être la fête de la Victoire de 1918, le 11 novembre est le jour des déménagements. Le déménagement de nos paysans d’autrefois n’exige guère plus d’une charrette ou d’une carriole. On y entasse les quelques bancs et tabourets, parfois un coffre ou une armoire, et surtout des cages remplies de poulets caquetant, du linge, quelques outils et un peu de vaisselle, ainsi que divers ustensiles, comme la cage à faire sécher les fromages. Les mioches trop petits pour faire la route à pied sont juchés au-dessus. On attache éventuellement une ou deux bêtes à l’arrière et l’on part sur les chemins défoncés pour quelques kilomètres, avec deux ou trois bouviers qui aident à décharger et que l’on devra copieusement abreuver en fin de journée. Finalement, déménager coûte cher aux petites gens d’autrefois ! Heureusement que le bon saint Martin, plein de prévenance, ménage souvent quelques jours de redoux, traditionnellement appelés « l’été de la Saint-Martin ». Voilà sans doute de quoi augmenter encore sa popularité, si tant est qu’elle en ait besoin car peu de saints ont été plus populaires au Moyen Âge que ce saint évêque de Tours. Il évangélisa en grande partie le pays et l’histoire du partage de son manteau avec un pauvre est alors connue de tout le monde chrétien. En France, quelque 3 668 églises lui sont consacrées et il arrive en tête de tous les noms de famille avec plus 70 000 foyers français portant ce prénom comme patronyme, Durand n’arrivant qu’en onzième position et Dupont en vingt-huitième. Outre sa protection, il guérit un tas de maux, sauf sans doute le « mal de Saint-Martin » qui atteint les hommes ivres en pays de vignes, où l’on goûte le vin nouveau le jour de sa fête. Dans beaucoup de régions, on joue aussi ce jour-là à l’oie. Non au jeu de l’oie pacifique et enfantin que nous connaissons encore aujourd’hui, mais à décapiter une malheureuse oie pendue par les pattes. Ce rituel rappelle celui de carnaval du fait qu’alors la Saint-Martin commence le « petit-carême », autre nom de la période de l’Avent.
De nos jours, même si en milieu rural cette date est parfois utilisée pour mettre un terme aux fermages, elle a perdu sa signification traditionnelle au profit de la cérémonie commémorative de l’Armistice de 1918.
Longtemps, c’est le jour des anciens combattants de la « Grande Guerre ». De la classe 1890 née en 1870 – ils ont quarante-quatre ans en 1914 –, à celle de 1919, huit millions de Français ont participé à ce grand conflit, à cette grande revanche, où ils sont partis en chantant, certains que cette guerre ne durerait pas plus de quelques semaines. En pantalon rouge lors de l’été 1914, puis en uniforme bleu horizon, ils sont tombés par centaines « pour la patrie reconnaissante » et presque chaque famille française a été cruellement éprouvée.
Les Poilus et la Madelon
Pour ne pas s’être souvent rasés, dans les tranchées où ils vivaient l’enfer, les soldats de la Grande
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