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Comment vivaient nos ancêtres

Comment vivaient nos ancêtres

Titel: Comment vivaient nos ancêtres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Louis Beaucarnot
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père Bugeaud ? »
    COUCHER « EN TOUT BIEN TOUT HONNEUR » :
LE TEST DE LA FERTILITÉ
    Que fait donc M. le Curé de Notre-Dame-de-Boisset (Loire) chaque dimanche après-midi après les vêpres en cette année 1850 ? Que regarde-t-il du haut du clocher de l’église à l’aide d’une lunette d’approche ? Il observe d’un air furieux les réunions entre les gars du pays et les bergères, réunions qui n’ont rien d’innocent. Au début du XX e siècle, une autre anecdote fait état des rencontres que l’on peut faire les soirs d’été sur les routes de Vendée. De chaque côté de la route, au bord des talus, d’énormes parapluies violets cachent aux regards indiscrets les étreintes des amants.
    En 1805, un témoin raconte que, le samedi soir, dans le pays de Montbéliard, les gars vont en groupe rendre visite à une belle qui choisit l’un d’eux pour passer la nuit. Deux siècles plus tôt en Piémont, on appelle « albergement » ces visites des garçons aux filles. « Celles-ci, après avoir conclu un pacte pour conserver leur pudicité, et ne rencontrant pas d’opposition de la part de leurs parents, ne leur refusent pas : elles s’en remettent follement à leur loyauté, seule à seul dans le même lit, ayant cependant gardé leur chemise. Là, malgré le vain obstacle de la chemise, il arrive très fréquemment que la fureur sexuelle force ce pacte ridicule et les verrous de la virginité, et que deviennent femmes celles qui peu de temps avant étaient encore vierges. »
    On n’en finirait pas d’énumérer les exemples de ce genre, de ce que nos ancêtres appelaient souvent « coucher en tout bien tout honneur ». En Corse, le concubinage prénuptial est extrêmement fréquent, comme l’est en Pays basque le « mariage à l’essai ». Ainsi, à Saint-Pée, les jeunes filles qui passent leurs journées dominicales à l’église passent les nuits suivantes avec les gars. Le concubinage bat-il déjà en brèche le mariage ? Évidemment non. Ces comportements doivent être replacés dans le contexte social et moral de l’époque.
    Tout d’abord, les filles ne laissent pas si facilement « aller le chat au fromage ». Par ailleurs, « emprunter un pain sur la fournée » n’est pas alors formellement condamné par la vox populi. Dans nos campagnes, les gars aiment bien « essayer les filles » avant de les épouser. Dans un temps où les liens du mariage sont indissolubles, mieux vaut savoir où l’on va et surtout s’assurer de la fertilité de sa future épouse quitte, pour accélérer le processus du mariage, à demander ensuite la dispense des deuxième ou troisième bans à l’église. Statistiquement, on sait qu’aux XVII e et XVIII e siècles les premiers enfants d’un couple ont été conçus avant son mariage dans environ 10 à 14 pour 100 des cas. Si les naissances illégitimes sont rares, c’est que la jeune fille mise enceinte dans ces circonstances n’est pas abandonnée. La virginité n’a pas encore la valeur qu’elle prendra un siècle plus tard, surtout avec le culte de l’immaculée Conception. Chacun connaît les lois de la nature et les gère de son mieux. Chaque père sait que « filles et vignes sont difficiles à garder : il y a toujours quelqu’un qui passe et qui voudrait en tâter ». De la chasteté des garçons, on ne se soucie guère : « Serre tes poules, dit l’adage, car j’ai lâché mes coqs. » Les plus à craindre sont finalement les valets de ferme, véritables loups dans la bergerie et que l’on surveille étroitement. Pour le reste, chacun s’en remet plus ou moins à la nature.
    M. le Curé grince donc des dents et peste sans arrêt. Il se souvient comme l’Église a dû lutter pour imposer le sacrement de mariage au début du Moyen Âge, puis, à la Renaissance, contre la pratique des mariages clandestins. Il ne cesse de rappeler que la seule façon d’éviter le péché de chair est de se marier, comme il doit rappeler aux gens mariés que la seule fin du mariage est la procréation. Il est un temps pour chaque chose et le passage de l’un à l’autre se fait par le mariage.
    D’ailleurs, tout le monde ne doit-il pas se marier ? Les célibataires, à ses yeux, sont des gens facilement suspects. Mais en réalité, les célibataires, rares, sont des marginaux. Avant la Révolution, le célibat n’est pas un état social possible. Toute vie, tant économique que sociale, est basée sur le couple.

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