Comment vivaient nos ancêtres
prime avant tout. En 1872, un mariage Rothschild unit deux cousins dont les quatre parents portent le même nom, phénomène tout de même assez rare mais qui existe également dans des familles beaucoup plus obscures. Ainsi en 1822, dans mon Morvan a été célébré le mariage d’un Duverne avec une Duverne, veuve d’un autre Duverne. Non seulement les quatre parents sont tous nés Duverne, mais le maire, le curé et le notaire qui reçoivent les actes portent le même nom et sont de proches parents. Dans cette famille, pas moins de vingt-deux mariages entre parents de même nom ont été recensés.
Dans de nombreuses professions en ville, à commencer par Paris, on se marie « entre soi ». J’ai pu ainsi retrouver parmi mes ancêtres des lignées de rôtisseurs, de maréchaux-ferrants, de charrons, de notaires et même de bedeaux. Même chez les bourreaux – dont je ne descends pas – était unaniment rejetés de la société, ils n’avaient d’autre ressource que d’épouser la fille d’un collègue, qui de ce fait était presque toujours une parente. Les dynasties tristement célèbres comme celles des Jouenne et des Sanson sont là pour le prouver.
Dans les régions isolées, l’habitude s’est perpétuée pendant longtemps. Lorsque l’Église limite l’interdit de parenté au degré de cousin issu de germain en 1917, la Corse, la Bretagne, les Alpes, l’Auvergne, les Pyrénées ont ainsi continué à consommer bon nombre de dispenses de parentés et ce, jusqu’à la dernière guerre.
Mais où l’amour est-il donc dans toutes ces histoires de mariage ?
L’AMOUR CONTRE LA RAISON
UNE SEULE RECETTE : L’HERBE À CHATS !
Jacques Ménétra (10) a vingt-sept ans, il est maître vitrier à Paris. Encore célibataire, il a, comme on dit alors, brûlé la chandelle par les deux bouts. Un soir, un ami plus âgé lui fait gentiment la morale et lui dit qu’il connaît une fille aimable et sage et qui a quelque avoir.
« Je crois que ce fut la première fois, raconte Ménétra, que je pensai sérieusement à me mettre sous les liens de l’hymen. Je lui demandai de faire l’entrevue de la personne dont il m’annonçait tant de bien. L’entrevue se fit. L’objet me plut, et je convins. Nous fûmes bientôt d’accord. Il y avait six concurrents et je l’emportai sur tous ces aspirants. »
Autre témoignage, toujours à Paris, de Sébastien Mercier, en 1790. Chez les bourgeois, le garçon vient le dimanche après vêpres faire une partie de « mouche ». Il s’arrange pour perdre et demande la permission de revenir. La fille fait « la petite bouche », ce qui prouve son désir de le revoir. Le dimanche suivant, c’est une promenade à quatre. Bientôt l’affaire est conclue.
Chez les gens socialement plus élevés le même témoin cite le cas où la femme de chambre apprend à la jeune fille de la maison que ses parents ont décidé de la marier et que le soir même on doit signer le contrat. Les personnages de Molière ne sont pas loin.
Mode urbaine ? Pas du tout. Le 12 septembre 1872, un petit propriétaire terrien de la Nièvre cherche à établir son neveu avec la fille d’un de ses voisins. Il expose la situation de son protégé à l’occasion d’un jour de foire, demandant si l’on « accepterait pour gendre un jeune homme, bien de sa personne, âgé de vingt-neuf ans, ayant des sentiments religieux, devant avoir une soixantaine de mille francs de ses parents, et comme occupation présente une ferme à exploiter dans laquelle il possède un cheptel ». En face, on accepte « de voir ». Le jeune homme vient en visite, sous le prétexte d’affaires. Il aperçoit, quelques minutes seulement, la jeune fille de vingt et un ans. On prend quelques renseignements complémentaires sur lui auprès du curé ou du notaire. Ces renseignements s’avérant satisfaisants, la mère lui écrit : « Monsieur. Après avoir réfléchi, mon mari et moi, à la demande que vous nous avez adressée au sujet de notre jeune fille, je viens vous dire que nous agréons cette demande et que nous vous recevrons chaque fois qu’il vous sera agréable de venir. » Le 30 octobre, l’heureux soupirant va chercher son billet de confession chez le curé et le 5 novembre, il a la bague au doigt.
En 1909, les parents d’une de mes arrière-grands-mères, résidant alors à Mauriac dans le Cantal, reçoivent la lettre d’une de leurs anciennes amies de Châtillon-en-Bazois. La jeune
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