Comment vivaient nos ancêtres
funéraires que l’on trouve encore en guise de dallage.
Au cimetière : le gîte sans le couvert…
Savez-vous que le « cimetière », selon son étymologie grecque, désignait le « lieu où l’on dormait, le dortoir » ? Dortoir éternel, oui, puisque, là encore pour éviter de prononcer des mots redoutés risquant de porter malheur, on allait « reposer » en paix, couché sous la terre, ou plutôt, comme on disait au Moyen Âge, « gisant ».
Car alors, le verbe gésir l’emportait nettement sur coucher, signifiant quant à lui plutôt « étendre », notamment des lignes sur du papier, comme lorsque l’on couche quelqu’un sur un testament.
Et les témoins de cette suprématie de gésir sur coucher sont nombreux : ce sont nos gisants (que l’on nommait aussi parfois « dormants »), nos gisements de fer ou de charbon, qui sont des « couches » de minerai, ou encore l’ancienne expression de « femme en gésine », désignant la femme en couches. Sans oublier, en retournant au cimetière, d’évoquer la très classique formule d’épitaphe « Ci-gît Untel », pour « ici repose ».
De là aussi est venu notre mot « gîte », souvent associé au « couvert », désignant quant à lui ce qui « couvre » la table et par extension le repas, comme c’est encore le cas dans notre expression « offrir le gîte et le couvert ».
Mais les inconvénients, nombreux, ont été finalement dénoncés, en particulier les exhalaisons, pestilences « vitrioliques, sulfureuses, salines et arsenicales » que ces dépôts de corps ne manquent pas d’engendrer, surtout dans les églises urbaines dotées d’une bourgeoisie aussi nombreuse que nantie. Une ordonnance de mars 1776 finit par interdire l’inhumation dans les églises, quitte parfois à provoquer des émeutes lors des cérémonies. Seuls les archevêques, évêques et curés conservent ce privilège.
Toutefois, les inhumations au cimetière sont souvent également cause de troubles, à commencer par la pollution de nombreux puits voisins dans les campagnes. L’exemple le plus inquiétant est le cas du cimetière des Innocents, à Paris, où l’on inhume incessamment durant neuf cents ans, de 890 à 1790, et où se tient un marché public des plus fréquentés de la capitale pour la vente de légumes. Peu à peu, en ville comme à la campagne, on s’efforce de transférer le cimetière à l’extérieur des agglomérations, chaque fois du moins que le clergé et la population veulent bien l’accepter.
C’est là une terre bénite avec laquelle on ne peut guère prendre de fantaisie. Pas plus que l’on ne peut y inhumer n’importe qui ! Les enfants non baptisés en sont exclus. À l’extérieur, sous la haie ou le mur, un endroit leur est en principe réservé. Quant aux adultes, nombreux sont ceux qui s’en voient privés. Il n’est ainsi pas question d’enterrer religieusement un comédien, non seulement au siècle de Molière, mais bien plus tard encore. Un scandale ébranle ainsi Paris lorsque, en 1802, le curé de Saint-Roch interdit l’entrée de son église au convoi d’Adrienne Chameroy, danseuse à l’Opéra. Duellistes et prostituées sont logés, si je puis dire, à même enseigne. Tout comme les concubins, qui ont préféré pécher en ayant un commerce charnel hors mariage. Il en va de même pour les suicidés. Contrevenant aux commandements divins en s’étant donné la mort, bien souvent ils sont voués à être inhumés face contre terre et devant la porte du cimetière afin que leur corps soit éternellement foulé aux pieds par leurs descendants, à moins que leur famille, pour éviter cette infamie, prouve leur aliénation mentale. Inutile de préciser encore que les protestants se voient longtemps interdits des cimetières catholiques, d’où les pratiques fréquentes dans certaines régions, comme la Charente, de se faire enterrer sur sa propriété.
N’allez cependant pas croire qu’il suffit d’être catholique pour avoir droit à cette sépulture tant recherchée. Encore faut-il avoir été un « bon » catholique, ce que certains curés-gendarmes se font un devoir de vérifier. Ainsi, le curé de Gy-l’Évêque (Yonne) relate un enterrement en 1747 : « Le 26 de mai est décédé Claude Rapin […] âgé d’environ cinquante-cinq ans. Lequel, pour avoir négligé ses devoirs de chrétien pendant environ vingt-quatre ans et n’y ayant point pensé même pendant sa
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