Comment vivaient nos ancêtres
peut ici porter que des robes de laine noire, des châles noirs, des chapeaux à grand voile de crêpe, des gants et des bas noirs, et n’a que des mouchoirs ornés de noir, quelle que soit la saison. Durant les trois mois suivants, l’uniforme est allégé. Pour les trois suivants, on admet des robes de soie noire en hiver et des robes de taffetas en été. L’année terminée, il lui reste six mois de demi-deuil avec robe de soie noire ou blanc et noir ou violette.
De plus, le deuil, qui selon les termes de l’époque est un culte (et son respect « un devoir »), connaît toute une hiérarchie selon la parenté. On a vu que les « grands deuils » de parents, d’enfants, de veufs ou de veuves durent plus d’une année. Les deuils d’oncles et de tantes durent trois mois, ceux de cousins germains six semaines, de cousins issus de germains trois semaines et ceux d’« oncles à la mode de Bretagne » onze jours. Voilà pourquoi, du fait de l’importance numérique des familles d’autrefois, nos grand-mères prennent souvent le deuil à vingt ans pour ne plus jamais le quitter, entre ceux des oncles, des parents, des cousins, ou des dizaines et des dizaines d’arrière-cousins. Parfois, il leur faudrait presque un boulier pour ne pas se trouver en infraction. Aussi préfèrent-elles sans doute se résoudre à en faire leur perpétuelle tenue plutôt que de risquer de froisser quelque parent éloigné et d’être montrées du doigt dans la rue.
Cette période de deuil est ponctuée de différentes messes, dont celle dite de Quarantaine, en référence à l’Ascension du Christ, qui avait eu lieu quarante jours après Pâques. Cela, parce que la porte du ciel n’étant réputée s’ouvrir aux âmes que lors des nuits de pleine lune, il fallait attendre la pleine lune suivante pour que l’âme, après avoir erré un temps raisonnable et obligatoire dans les cieux, puisse s’y présenter. La messe de Quarantaine de nos ancêtres est d’ailleurs celle à laquelle assistent les femmes, la veuve et les filles qui n’ont pas suivi leur mari ou père à l’église le jour de l’enterrement. Un an après la mort est encore dite la « messe du bout de l’an », sans compter toutes celles « fondées » par le défunt dans son testament ou par les siens contre menue monnaie.
Ces jours-là, chacun se retrouve sur sa tombe, comme on s’y retrouve le lendemain d’un mariage ou après la messe dominicale, tant il est vrai qu’alors, dans les cimetières entourant les églises, la communauté des morts est sans cesse associée à celle des vivants. Mais ces défunts ne reviennent-ils pas régulièrement sur terre aux vigiles, c’est-à-dire les veilles de certaines grandes fêtes comme la Saint-Jean d’été, la Toussaint ou encore la nuit de Noël ? On prend garde alors de ne pas les rencontrer sur les chemins où ils sont censés suivre un vieux prêtre allant dire une messe dans une chapelle en ruine. Ces jours-là, on a bien soin de leur laisser la porte ouverte, le feu allumé et quelque aliment sur la table de leur ancienne maison.
Mais au fait, quelle est leur nouvelle maison et où donc sont enterrés nos ancêtres ? Pas toujours au cimetière, il s’en faut, et là encore, l’histoire nous surprend largement.
À ses débuts, le cimetière n’avait guère de caractère vraiment sacré. Au Moyen Âge, certains comptent même quelques habitants bien vivants qui y font construire leur maison. Il faut plusieurs interventions pour mettre un peu d’ordre dans son périmètre. Le concile de Rouen, en 1231, interdit d’y danser (ainsi d’ailleurs que dans les églises), et longtemps les curés puis les maires ont dû se gendarmer pour en évincer les paysans venus y faucher de l’herbe pour leurs lapins, et surtout les oies, les vaches ou les cochons que l’on peut y rencontrer à la recherche de leur pitance. Les paroissiens, eux, ne semblent pas s’en choquer outre mesure.
Très longtemps, les sépultures « chic » sont choisies dans l’église, et là encore avec toute une hiérarchie d’honorabilité selon que l’on est plus ou moins près de l’autel, de tel saint ou de telle chapelle. Comme au cimetière, chacun tient à être le plus près possible de la croix ou du lanternon, assez fréquent dans les régions du Sud-Ouest. Dans une paroisse, quiconque a un certain « standing » est donc inhumé sous le sol de l’église, d’où les si fréquentes dalles
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