Complots et cabales
moi qui avais déclos le verrou de la petite porte de la chapelle par o˘ Monsieur le cardinal avait pu pénétrer dans ses appartements. Et Monsieur de Guron, me voyant à la rue et quasiment dormant sur le pavé, s'émut de pitié chrétienne à me voir en telle déméritée misère, et me prit alors sans tant languir dans son domestique.
Tout cela était dit, et bien dit, dans le parler vif et précipi teux des bons becs de Paris, encore que je doutasse fort que la seule pitié chrétienne de Monsieur de Guron f˚t la cause de sa décision.
- Et te trouves-tu bien, m'amie, continuai-je, en ton nouvel emploi ?
- Ma fé, s'écria la Zocoli, j'en suis ravie ! Peu à faire le jour. Et beaucoup la nuit.
Là-dessus, Monsieur de Guron apparut, l'oeil brillant, la trogne rouge et le corps quasiment aussi large que long, et du diantre si je n'eusse pas préféré un nouvel assaut chargé
de tous les enchériments de la Zocoli aux étouffantes embrassades que son maître m'infligea alors.
Ce n'est qu'au milieu du repas, s'étant déjà à demi rassa sié (alors que je l'étais déjà tout à plein), que Guron m'apprit
- Et je suis autorisé à ce faire, précisa-t-il, vu que vous 328
gardiens s'en allassent afin de s'évader et de se mettre hors d'atteinte du roi, sinon dans les Pays-Bas espagnols, du moins dans tel lieu français qui serait proche de la frontière.
- Bien raisonné. Et comment le roi pouvait-il ne pas savoir, alors qu'autour d'elle les rediseurs et les rediseuses abondaient, qu'elle avait en effet ce dessein ?
- Naturellement, il le savait.
- Et sait-on le nom du refuge français qu'elle convoitait?
- Cela va sans dire. Il s'agit d'une place forte appelée La Capelle, fort proche d'Avesnes qu'occupe l'Espagnol. Elle est commandée par le marquis de Vardes, et meshui en son absence, elle l'est par son fils, petit béjaune écervelé, qui a accepté secrètement d'accueillir la reine-mère dans ses murs après son évasion. Et c'est là que vous intervenez, mon cher duc.
D'une part, le roi appelle à la Cour le jeune Vardes et l'y garde le temps qu'il y faudra. Et pendant ce temps, mon cher duc, vous gagnez à bride abattue Gournay en Normandie o˘ se trouve le marquis de Vardes afin de le convaincre de se rendre à La Capelle, d'en reprendre à son fils le commandement et de fermer ses portes à la reine-mère.
- Et pourquoi, dis-je, ai-je été choisi comme misses dominicus ?
- Le marquis de Vardes est assez haut, et le roi a pensé qu'il ne faudra pas moins d'un duc pour lui porter ses ordres.
- Trouvant les portes de La Capelle closes et sourdes àses appels, que pensez-vous que fera la reine-mère ?
1. Catégoriquement (ital.).
329
- Ce que vous pensez vous-même, mon cher duc : une folie. Elle demandera l'hospitalité aux Espagnols d'Avesnes, sans entendre le moins du monde que
<4 traîtreuse à son roi et déserteuse à sa patrie ", elle ne pourra plus jamais remettre le pied en France...
Un silence suivit ce propos.
- Je voudrais, reprit Monsieur de Guron, vous poser, mon cher duc, une question délicate. Pensez-vous que lorsque le roi a emmené la Cour et la reine-mère àCompiègne, il avait déjà imaginé ce qui allait s'en suivre ?
- Pour parler à la franche marguerite, j'en suis bien convaincu. Sans cela, pourquoi aurait-il accédé à la demande de la reine-mère de retirer les troupes qui la gardaient ? Il la connaissait trop pour ne pas savoir ce qu'elle allait faire de sa liberté.
- Le roi a donc, dit Guron, par de subtils degrés, poussé la reine-mère à
la faute.
- J'en suis persuadé.
- Dieu bon! s'écria Guron. N'y aurait-il pas là une certaine ressemblance de Louis avec le Prince décrit par Machiavel ? qui le dirait en le voyant ?
Et comme trompeuses sont les apparences!
- Mais, mon cher Guron, il faut qu'elles le soient. Le propre du Prince décrit par Machiavel, c'est de ne pas paraître machiavélique. O˘ serait la finezza, si on ne s'y trompait pas ?
CHAPITRE XIV
Mon intention première pour courre visiter le marquis de Vardes à Gournay, avait été d'emmener avec moi la moitié de mes Suisses, mais Richelieu, que je vis après Sa Majesté, m'annonça que mon escorte serait composée de vingt mousquetaires du roi commandés par Monsieur de Clérac, afin de me donner poids et autorité auprès du marquis de Vardes. Moi-même je voyagerais dans une carrosse aux armes royales avec mon écuyer et le comte de Sault.
Combien que ce ne f˚t pas
Weitere Kostenlose Bücher