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Consolation pour un pécheur

Consolation pour un pécheur

Titel: Consolation pour un pécheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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et s’efforça de considérer son chanoine sans se soumettre à l’influence anesthésiante de l’habitude. Qu’était donc Orta ? se demanda-t-il. Un être ambitieux, habile, intelligent et impatient. Il était tout cela à la fois. C’était certainement le plus assoiffé de pouvoir de tous ses chanoines, le plus compétent aussi.
    — Des rumeurs circulent en ville aujourd’hui, père Ramon. D’étranges rumeurs. Et la plus surprenante de toutes vous concerne directement.
    — Moi, Votre Excellence ? Je m’en étonne. Il est vrai que le sujet d’une rumeur est d’ordinaire la dernière personne à en avoir connaissance.
    — C’est ce que l’on prétend.
    — Puis-je demander à Son Excellence ce que sont ces fameuses rumeurs ?
    — La plus tenace semble être celle qui affirme que ces fables – celles qui se répandent sur le marché, à la bourse au blé et à la bourse aux laines, mais aussi dans les prétoires – sont nées sur vos lèvres, père Ramon. En êtes-vous l’auteur ?
    — Est-ce là ce que l’on dit, Votre Excellence ?
    Il se tenait très droit quoique détendu, l’image parfaite de l’innocent.
    — Comme c’est extraordinaire.
    — Vous ne paraissez pas surpris.
    Ramon de Orta fit signe que non.
    — Votre Excellence connaît-elle le contenu des rumeurs que je suis censé répandre en ville ?
    — Oui. Le Saint-Graal se trouve en ville. On l’a retrouvé sur le corps du colporteur Baptista. C’est la mort que de l’approcher. Enfin, il peut prendre la forme qui lui plaît.
    — Ce n’est pas complètement exact, dit Ramon de Orta sans la moindre gêne. Prendre la forme qu’il souhaite, c’est là le fruit de l’imagination populaire. J’ai ajouté qu’il ne constituait pas un danger pour une personne pieuse ou sainte. J’envisageais le fait que Votre Excellence pourrait s’en emparer si on le retrouvait, sans pour autant que la populace croie qu’il puisse vous détruire.
    — Quoi ? s’écria Berenguer, blanc de colère. Vous êtes allé sur les marchés, dans les bourses et les tribunaux pour répandre délibérément cette fable ? Mais pour quelle raison ? Êtes-vous devenu fou ?
    — En aucun cas, Votre Excellence. J’ai été alarmé par la mort du colporteur parce que je savais qu’il prétendait détenir le Graal. Il désirait le vendre. Il m’a approché ainsi que plusieurs autres personnes pour voir le prix qu’il pourrait en tirer. Il semble que Gualter fût le premier qu’il ait contacté, et il est mort. C’est ensuite lui qui est mort la nuit où il devait le céder à quelqu’un.
    — À vous ?
    — Non, Votre Excellence. Je lui ai dit qu’il demandait trop pour une chose qui n’était peut-être pas authentique. À la cour, ce matin, un respectable habitant de cette ville m’a parlé du Graal alors qu’il était déjà au courant des rumeurs, et j’ai insisté sur le danger qu’il y a à le posséder. J’espérais par là empêcher toute nouvelle folie. Cela m’a paru une bonne idée, et j’ai fait de même en divers endroits, à la bourse comme au marché.
    — Et vous avez provoqué l’hystérie !
    — Je vous supplie de me pardonner, Votre Excellence, si mon idée n’a pas donné les résultats escomptés. J’aurais dû savoir que ma fable connaîtrait des développements divers.
    — Vous auriez pu m’en parler, père Ramon, avant même de commencer. Je vous l’aurais prédit sans grande peine.
    — Votre Excellence ne se sentait pas bien. Je ne voulais pas vous déranger.
    — J’ai trouvé les conséquences de votre échec autrement plus dérangeantes.
    Ramon de Orta se leva et s’inclina.
    — À nouveau, je prie humblement Son Excellence de me pardonner. Bien sûr, ajouta-t-il avec nonchalance, si le Saint-Graal se trouve bien en ville, il appartient à la cathédrale, où il sera à la fois ornement et symbole de force.
    Après son départ, Berenguer resta assis, les coudes posés sur sa table de travail, les mains jointes en pyramide.
    — Eh bien, lança-t-il dans la pièce vide, qu’en pensez-vous ?
    — C’est curieux, Votre Excellence, dit Bernat en sortant de l’antichambre.
    — Que cherche-t-il ?
    — J’ai quelque difficulté à croire qu’il ait pu faire une chose si dangereuse sans en envisager les conséquences, mais peut-être est-ce le cas.
    — Oh non ! Orta est bien trop intelligent et il connaît trop les hommes pour ignorer ce qu’il faisait. Mais

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