Consolation pour un pécheur

porter.
    — Seigneur, fit Isaac, je suis las de ses indigestions. Mais pourquoi n’avez-vous pas donné les plantes à la servante de maître Sebastià ?
    — Raquel devait les préparer et elle s’est proposée de les livrer. Je lui ai recommandé de les laisser à la servante qui lui ouvrirait, dit Judith d’une voix assurée. Elle ne devrait pas se trouver dans la même pièce que maître Sebastià, Isaac. C’est un homme en qui on ne peut avoir confiance.
    — Vous auriez dû envoyer Yusuf. Il n’éveille pas les désirs de maître Sebastià. Je n’aime pas que Raquel se rende seule dans cette maison, même si elle s’arrête sur le pas de la porte.
    — Elle n’est pas seule. Leah l’accompagne. Et Yusuf n’est pas encore revenu de sa course.
    — Laquelle ?
    — Vous devez le savoir mieux que moi.
    — Mais de quoi parlez-vous, Judith ? Je lui ai dit de rentrer pour vous prévenir.
    — Isaac, vous ne pouvez avoir oublié. Vous avez envoyé Yusuf hors de la ville pour porter un message, il y a une heure ou deux. Et Yusuf a demandé à un ami de m’avertir qu’il serait de retour avant le coucher du soleil.
    — Quel ami ?
    — Comment le saurais-je, Isaac ? Ce n’était qu’un enfant. Plus jeune que Yusuf et assez pauvre. Mais Yusuf a des amis un peu partout comme vous le savez. Je lui ai demandé si Yusuf lui avait confié où il se rendait et il m’a répondu qu’il l’ignorait. Yusuf ne lui avait rien dit.
    Elle se tut et observa son mari.
    — Vous ne l’avez pas envoyé faire une course, c’est cela ? demanda-t-elle d’une voix changée.
    — Je vous l’ai dit, Judith, je voulais qu’il vous porte un message. Pour vous prévenir que nous sortirions au crépuscule.
    — Dans ce cas, où est-il ?
    — Il n’est pas rentré à la maison, ne fût-ce qu’un instant ?
    — Non. Et j’ai passé tout l’après-midi dans cette cour.
    — Vous avez pu vous absenter…
    — Oui, mais pas longtemps. Je m’en serais aperçue s’il était revenu.
    — Peut-être avait-il quelque chose à faire en dehors de la ville, dit Isaac. Après tout, il savait que je n’avais pas besoin de lui avant la tombée de la nuit.
    — Peut-être a-t-il pris sa jument…
    — Oui, bien qu’il fasse un peu trop chaud pour monter. Cela ne lui ressemble pas de s’absenter sans porter mon message. À moins qu’il ne l’ait donné à l’un des serviteurs. Où est donc Ibrahim ? Allez chercher Naomi et le garçon de cuisine, ajouta-t-il. Ils ont peut-être oublié de vous prévenir.
    — C’est possible.
    Judith semblait accablée, pourtant elle releva la tête et appela les serviteurs.
    Aucun d’eux n’avait vu Yusuf depuis le dîner.
    — Nous devrions interroger Jacob, dit Judith alors qu’ils s’en allaient. Il aura peut-être vu Yusuf franchir la porte.
    — Il faut aussi se rendre aux autres portes, y compris celles de la ville. Dites à Ibrahim…
    — Le garçon ira plus vite. Et il nous rapportera plus fidèlement ce qu’il aura appris.
    Le garçon de cuisine fut donc envoyé voir si Yusuf était entré ou sorti du Call, ou s’il avait quitté la ville depuis l’heure du dîner.
    — Vous devriez mettre Son Excellence au courant, fit Judith en se redressant. Pourquoi ce sale gamin disparaît-il tout le temps ?
    Elle se leva et s’essuya les yeux avec le tablier mis un peu plus tôt pour aider Naomi à la cuisine.
    — Je ne crois pas que ce soit sa faute, cette fois-ci.
    — Mais qu’est-ce qu’il a fait ? s’écria-t-elle, aussi inquiète qu’exaspérée.
    — Soit il a cru que ces instructions venaient de moi, dit calmement Isaac, soit…
    — Soit quelqu’un l’a enlevé, fit Judith d’un air sombre. Pour le vendre ou demander une rançon.
    — Où est Raquel ? demanda subitement Isaac.
    — Chez Sebastià, je vous l’ai déjà expliqué.
    — Seule ?
    — Certainement pas ! Leah est avec elle et…
    — Elle ne lui sera pas d’aucune aide, trancha-t-il. Il faut la retrouver.
    — Un instant.
    Judith prit une cape légère, abaissa la capuche pour dissimuler son visage et se dirigea vers le portail.
    Ils étaient à peine arrivés au coin de la rue que Raquel et Leah apparurent, qui discutaient ensemble de manière fort animée.
    — Maman ! papa ! appela-t-elle. Par ici !
    Isaac leur fit signe et s’empressa de leur expliquer la situation. Attiré par le son de leurs voix, Daniel sortit de son atelier de ganterie et se joignit