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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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pour
que tout le monde entende. Et pas pour le mieux.
    À ces mots, César se leva. Il avait une expression froide et
résolue, presque aussi inhumaine qu’un masque de Thrace.
    — Je pense que Lucius Lucullus a oublié qu’il a
commandé plus de légions que moi en son temps, et pendant plus de cinq ans, et
pourtant, la tâche d’en finir avec Mithridate a dû être terminée par mon
valeureux gendre.
    Les partisans de la Bête à trois Têtes poussèrent un
rugissement approbateur.
    — Je pense qu’une enquête devrait être ouverte sur la
période où Lucius Lucullus a été commandant en chef, peut-être dirigée par un
tribunal d’exception. Je suis sûr que les finances de Lucius Lucullus
supporteront sans problème un examen approfondi. Le peuple aimerait savoir d’où
il tient son immense fortune. Et je crois qu’en attendant, Lucius Lucullus
devrait présenter des excuses à cette assemblée pour ses insinuations
insultantes.
    Lucullus jeta un coup d’œil autour de lui. Personne ne
croisa son regard. Se faire traîner devant un tribunal d’exception à son âge,
en ayant tant à expliquer, serait insupportable. Il se leva en déglutissant
avec peine.
    — Si mes paroles t’ont offensé, César… commença-t-il.
    — À genoux ! hurla César.
    Lucullus parut soudain très vieux et dérouté.
    — Quoi ? demanda-t-il.
    — Il doit présenter des excuses à genoux  !
répéta César.
    Il m’était insupportable de regarder, et en même temps
impossible de détourner les yeux, car la fin d’une grande carrière est un
spectacle impressionnant à voir, un peu comme la chute d’un arbre vénérable.
Pendant encore un instant, Lucullus resta debout. Puis, avec force craquements
de jointures raidies par les années de campagnes militaires, il se plia d’abord
sur un genou puis sur l’autre, et baissa la tête devant César pendant que le
sénat regardait en silence.
     
    Quelques jours plus tard, Cicéron dut à nouveau mettre la
main au porte-monnaie pour acheter un autre cadeau de mariage, cette fois pour
César.
    Tout le monde avait supposé que si César se remariait, ce
serait avec Servilia, qui était sa maîtresse depuis plusieurs années et dont le
mari, l’ancien consul Junius Silanus, venait de mourir. Et en fait, vers cette
époque, on prétendit même que ce mariage avait eu lieu un soir où Servilia
assista à un dîner en arborant une perle qui lui avait été offerte,
disait-elle, par le consul et valait six mille pièces d’or. Mais non : la
semaine suivante, César prit pour femme la fille de Lucius Calpurnius Pison,
une grande fille maigre et sans grâce d’une vingtaine d’années dont personne n’avait
jamais entendu parler. Après longue réflexion, Cicéron décida de ne pas envoyer
son cadeau à César par courrier mais de le lui porter lui-même. Cette fois
encore, c’était un plat d’argent marqué aux initiales des mariés, et cette fois
encore, il était rangé dans un coffret de santal et fut confié à ma garde.
Comme prévu, j’attendis devant la curie la fin de la séance, et, dès que
Cicéron et César en sortirent ensemble, je m’avançai avec le coffret.
    — Ce n’est qu’un petit présent de la part de Terentia
et de la mienne pour vous souhaiter, à toi et à Calpurnia, un long et heureux
mariage, dit Cicéron en me prenant la boîte des mains pour la donner à César.
    — Merci, répliqua César, comme c’est gentil à toi, et,
sans même y jeter un coup d’œil, il la remit à l’un de ses serviteurs.
Peut-être, ajouta-t-il, pendant que tu es en veine de générosité, nous
donneras-tu aussi ton vote.
    — Mon vote ?
    — Oui, le père de ma femme se présente au consulat.
    — Ah, fit Cicéron, son visage s’éclairant soudain d’une
lueur de compréhension, tout s’explique. Franchement, je me demandais pourquoi
tu épousais Calpurnia.
    — Au lieu de Servilia ? dit César en souriant avec
un haussement d’épaules. C’est de la politique.
    — Et comment va Servilia ?
    — Elle comprend.
    César parut sur le point de s’éloigner puis se ravisa, comme
s’il venait de penser à quelque chose.
    — À propos, que comptes-tu faire au sujet de notre ami
commun, Clodius ?
    — Je n’y ai pas du tout réfléchi, répondit Cicéron (ce
qui était un mensonge, bien sûr – en vérité, il ne pensait guère à
autre chose).
    — Tu as bien raison, commenta César. Il ne vaut pas la
peine qu’on gaspille ses

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