Constantin le Grand
dressé pour célébrer Apollon. Il laissait Hésios lui présenter la couronne irradiée d’Apollon, mais, d’un simple hochement de tête, il avait accepté que les soldats chrétiens dessinent sur leur bouclier le signe de Christos, les deux lettres grecques rappelant son nom, celles que j’avais vues, éclatantes, dans mon rêve.
Nous avons ainsi franchi les cols des Alpes, et, avec les jours pluvieux de l’automne, nous sommes entrés en Italie dans ce qui avait été autrefois la province de Cisalpine. Et les villes sont tombées les unes après les autres. Parfois, il a fallu néanmoins livrer combat, comme devant Turin.
Je n’étais pas un soldat, mais j’ai voulu suivre Constantin alors qu’il chargeait, à la tête de la cavalerie gauloise et germanique, les escadrons lourdement cuirassés de l’armée de Maxence.
Je n’avais pas d’arme ; je ne voulais pas tuer, mais je ne craignais pas non plus la mort qui me conduirait auprès de Christos.
La cavalerie de Maxence a été rapidement dispersée et nous avons continué notre marche sur Milan qui ouvrit ses portes : les chrétiens y étaient déjà si nombreux qu’ils avaient chassé les partisans de Maxence, et ils accueillirent Constantin comme le libérateur de l’Italie, le juste empereur, le restaurateur de la paix, Constantin le Grand, celui par qui la religion de Christos deviendrait la religion de l’Empire, l’empereur qui jamais n’avait persécuté les chrétiens.
J’observais Constantin alors que les chrétiens le reconnaissaient ainsi comme le protecteur qu’ils attendaient, celui que Dieu avait choisi et qu’il conduirait à la victoire. Je le voyais plisser les paupières comme pour donner plus d’acuité à son regard, voir plus loin, imaginer l’avenir.
Il avait contre lui l’armée de Maxence qui comptait encore, malgré ses premiers revers, plus de cent cinquante mille hommes : des prétoriens de Rome, des Numides qui avaient vaincu l’empereur d’Afrique, Lucius Alexander, des Daces et des Parthes. Maxence espérait aussi que Licinius, l’empereur d’Orient désigné par Galère et Maximin Daia, se liguerait avec lui.
Sous peine de voir se constituer cette alliance, Constantin devait donc au plus tôt battre Maxence. Et, pour cela, entrer dans Rome.
Mais il fallait d’abord ne pas laisser dans la vallée du Pô des places fortes aux mains des partisans de Maxence. Il fallait les conquérir les unes après les autres – et la dernière était Vérone.
Derrière les murailles de la ville, le général Ruricius Pompeianus, fidèle de Maxence, attendait l’assaut, décidé à ne pas s’aventurer hors des murs.
Les soldats chrétiens se sont approchés des remparts, brandissant leurs boucliers marqués du signe de Christos. Ils ont défié Pompeianus et ses soldats : les païens avaient-ils peur du Dieu des chrétiens ? Ne faisaient-ils plus confiance à leurs divinités ? Étaient-ils des lâches ?
Les chrétiens criaient : « Regardez le ciel ! Il dit votre défaite ! »
Depuis que nous avions franchi les Alpes, le firmament était en effet plein de signes étranges. Des étoiles inconnues brillaient jusque dans la lumière du jour, et dessinaient au-dessus de l’horizon, associées au croissant de la Lune, le signe de Christos, la croix traversée par une verticale recourbée. Ainsi, les boucliers marqués du même emblème semblaient refléter le ciel.
À la fin, défiés, harcelés, les cavaliers de Ruricius Pompeianus sont sortis de Vérone et ont tenté de briser le siège, d’enfoncer les rangs de nos cohortes, de mettre en déroute les cavaliers gaulois et germains. Mais aucune ligne n’a cédé. Les flèches et les glaives se sont brisés sur les boucliers des soldats chrétiens.
Et Ruricius Pompeianus n’a plus été qu’un cadavre parmi les cadavres.
Alors les habitants de Vérone ont ouvert les portes, sont venus à la rencontre de Constantin et l’ont acclamé.
Devant nous s’ouvrait la via Flaminia qui menait jusqu’à Rome.
Nous avons commencé à chevaucher sur ces pavés que les siècles avaient polis.
20
J’ai vu le fleuve de Rome rouler ses eaux grisâtres au pied des roches rouges, en ce lieu nommé Saxa Rubra.
Le Tibre charriait des troncs noirs, des branches mortes enchevêtrées que les orages de cette fin d’octobre de l’an 312 avaient brisés, arrachés, et parfois le cadavre d’un mouton ou d’un bœuf gonflé comme une outre
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