Constantin le Grand
été un persécuteur, ai-je ajouté. Encore faut-il empêcher les persécuteurs de régner.
Or je savais qu’à Antioche Maximin Daia refusait d’appliquer l’édit de tolérance pris par son oncle Galère.
C’étaient la folie et la peur entretenues par les chrétiens qui le lui avaient dicté, prétendait-il. Mais lui, Maximin Daia, était d’une autre trempe, clamait-il. Dans les provinces qu’il gouvernait, de la Syrie à l’Égypte, il poursuivait les chrétiens avec une frénésie redoublée. À Alexandrie, à Antioche, chaque jour, des dizaines d’entre eux étaient égorgés, livrés aux bêtes, crucifiés, brûlés ou décapités.
Cyrille avait dressé la liste de ces martyrs.
Il m’a supplié de m’adresser à Constantin, de lui parler de l’évêque Sylvain d’Emèse, de Lucien, un prêtre d’Antioche, de Pierre d’Alexandrie, tous hommes justes, bons et sages, torturés et exécutés par les bourreaux de Maximin Daia.
— Tu es le seul, Constantin, à pouvoir empêcher les persécuteurs de sévir. Tous te haïssent et te craignent. Maxence répète que tu as fait assassiner son père, Maximien, et il veut se venger. Licinius ne dit rien mais t’observe comme un fauve prudent. Maximin Daia est une bête féroce, la plus cruelle de toutes. Tandis que les chrétiens, Constantin, sont partout tes alliés ! Tu dois agir.
Il a sobrement murmuré :
— Quand le moment sera venu, j’agirai.
19
Je murmurai : « Le moment est enfin venu ! » et j’en remerciai Dieu.
Je tenais fermement les rênes de mon cheval et me retournais.
Je ne rêvais pas.
Derrière moi s’avançait l’armée de Constantin.
Je voyais cette colonne d’hommes, de cavaliers, de chariots. Le métal des armes, des casques et des armures brillait sous le soleil de cette journée d’août de la trois cent douzième année après la naissance de Christos.
Souvent, enveloppant les sommets d’une charpie noirâtre, les nuages d’orage voilaient le ciel. La foudre fendait l’horizon. Les grondements du tonnerre roulaient de vallée en vallée. La pluie tombant en violentes rafales transformait l’étroit chemin en torrent.
J’apercevais devant moi le dos et la nuque raide de Constantin. Il continuait d’avancer au même pas, sa tunique trempée collant à ses larges épaules, son armure ternie ne scintillant plus. Émanaient de lui la détermination et l’obstination qu’exprimait son corps sur lequel ruisselait, sans paraître le mouiller, l’averse.
Puis le soleil à nouveau imposait sa loi. L’or de l’armure de Constantin m’aveuglait. Je détournais les yeux. Au flanc de la montagne serpentait une traînée brillante : l’armée en marche.
Il me semblait que c’était la trace de Dieu sur notre terre.
Je m’approchais de Constantin, le flanc de mon cheval frôlant sa monture.
Il regardait droit devant lui, sans paraître remarquer ma présence ni entendre ce que je lui disais : à savoir que Dieu le protégeait, les chrétiens de tout l’Empire priaient pour lui, et Christos les avait entendus.
Nombreux étaient ceux qui avaient quitté l’Italie, désertant l’armée de Maxence, cet empereur qui pourtant ne les persécutait plus. Mais comment les chrétiens auraient-ils pu oublier les supplices que leur avaient infligés les bourreaux sur ordre de Maximien et de Maxence, le père et le fils obéissant à Galère ?
Maximien comme Galère étaient morts. Galère s’était repenti, Maxence appliquait l’édit de tolérance. Mais trop tard : les chrétiens n’avaient confiance qu’en Constantin, fils de Constance Chlore.
Quand Maxence avait proclamé qu’il voulait venger Maximien, entrer en Gaule, y écraser l’armée de Constantin, quand il avait fait abattre à Rome les statues de celui-ci, tous les chrétiens, y compris les hésitants, étaient devenus ses ennemis.
Maintenant ils faisaient partie de cette armée de quarante mille hommes que Constantin n’avait eu aucune peine à rassembler.
Les Gaulois et les auxiliaires germains composaient la cavalerie légère. Les Bretons, les Hispaniques, les Gaulois encore et les Italiens formaient les cohortes.
Le soir, au camp, les chrétiens priaient Christos ; les païens, Apollon, Jupiter et Sol invictus .
Constantin allait des uns aux autres et écoutait, impassible, les chrétiens appeler la protection de notre Dieu unique et tout-puissant.
Il assistait aux sacrifices des païens devant l’autel
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