Constantin le Grand
venait heurter les piles du pont Milvius et s’y accrochait avant que, dans un remous, le courant ne l’emporte.
J’ai regardé le ciel et j’ai su que Constantin allait vaincre.
Au centre des cieux, de jour comme de nuit, les étoiles qui traçaient la croix de Christos et dessinaient les deux premières lettres de son nom brillaient d’un éclat intense.
Je me suis approché de Constantin et j’ai tendu le bras, lui montrant ce signe.
Constantin l’a longuement fixé puis s’est tourné vers moi :
— Je vois ce que tu vois, m’a-t-il dit.
J’ai tressailli, le cœur battant si fort dans ma poitrine et jusque dans ma gorge que je n’ai d’abord pas pu parler.
J’ai pensé que, pour la première fois, Constantin venait de reconnaître la toute-puissance de Christos et de lire son message.
— Dieu combat avec toi, ai-je dit. Il te prête Sa force.
Je ne pouvais détacher mes yeux des cieux où je découvrais la marque de Christos. J’ai redit :
— Par ce signe, tu vaincras.
Et j’ai répété encore :
— Tu hoc signo vinces .
Il m’a semblé que, tête levée, Constantin scrutait ces points brillants dans le ciel et murmurait à part soi les mots que j’avais prononcés.
Il a posé la main sur mon épaule, comme il l’avait déjà fait quelquefois, et comme toujours ce geste familier et rare m’a ému. Puis il m’a dit :
— Je lis ce que tu lis.
La nuit nous a tout à coup enveloppés, humide et ventée.
Au matin du 28 octobre, trois cent douze années après la naissance de Christos, alors que l’on voyait s’avancer les cavaliers de la garde prétorienne de Maxence, et, sur leurs flancs, les troupes numides et mauresques, glaives et javelots levés, Constantin m’a demandé de le rejoindre en avant des cavaliers gaulois et germains dont il allait conduire la charge.
Je n’avais jamais vu son visage aussi serein. Il souriait. De sa main gauche il flattait l’encolure de son cheval.
— Cette nuit, comme dans le temple d’Apollon à Grannum, j’ai rêvé, a-t-il commencé. C’était la même lueur que celle qui entourait le dieu au moment où il s’est avancé vers moi et m’a couronné. Mais ce n’était pas Apollon. Tu sais qui était ce Dieu. Il m’a dit ce qui est inscrit dans le ciel depuis que nous sommes entrés en Italie, et que tu as lu hier, tout comme je l’ai lu.
— Dieu tout-puissant et unique ! ai-je murmuré. Il t’a dit : « Par ce signe, tu vaincras ! »
Constantin a baissé la tête, tiré son glaive hors de son fourreau et l’a dressé.
— Ce matin, le ciel est vide, a-t-il remarqué.
De fait, les étoiles avaient disparu.
— Dieu a parlé, tu L’as entendu et tu L’as vu, ai-je répondu.
— Aujourd’hui, c’est le combat des hommes.
— Dieu est à tes côtés.
— Ce sont les soldats qui tiennent le glaive. Ce sont eux qui tuent et qui meurent.
À cet instant, j’ai entendu le grondement sourd des sabots de la cavalerie prétorienne de Maxence qui galopait vers nous.
Constantin s’est élancé et je l’ai suivi, emporté par le flot hurlant des cavaliers gaulois et germains.
J’ai vu les hommes se battre et mourir, les soldats chrétiens avancer derrière leurs boucliers marqués du signe de Christos. Leurs corps et ceux des païens se sont mêlés, enlacés dans la mort.
J’ai prié Christos pour qu’il accueille ceux qui lui avaient été fidèles. Et, s’il voulait, qu’il pardonne aux autres qui l’avaient persécuté dans la chair des martyrs.
Quand la nuit s’est approchée avec ses grands voiles noirs, l’armée de Maxence n’était plus qu’un troupeau affolé qui se précipitait sur le pont Milvius.
Les plus forts et les plus sauvages bousculaient les autres pour franchir le Tibre, espérant ainsi échapper aux soldats de Constantin.
J’ai vu les corps basculer du pont dans le fleuve.
Plus tard, en aval, sur la berge, un Gaulois a découvert le cadavre de Maxence que le poids de son armure avait entraîné par le fond avant que le courant ne le rejette parmi les roseaux.
Le Gaulois a tranché sa tête et l’a exhibée au bout de sa lance à Constantin qui a détourné les yeux.
Le lendemain 29 octobre, nous sommes entrés dans Rome.
La plèbe, les sénateurs se pressaient pour approcher Constantin. C’était à qui crierait le plus fort sa reconnaissance, saluerait le libérateur de la ville, le sauveur de l’Empire.
Au Forum, un sénateur a
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