Constantin le Grand
l’autre, c’était la guerre ouverte.
À Milan, Constantin, devant moi, s’était emporté :
— Je n’accepterai pas, avait-il dit, que l’Église de Christos soit brisée en plusieurs religions. S’il y a un Dieu unique, il faut une Église unique ! Les dieux, les cultes, les superstitions sont déjà trop nombreux dans l’Empire. J’aspire, tu le sais, à être empereur unique. Je veux donc des religions rassemblées autour de moi. J’ai lu le message de Christos. J’ai vu avec toi, dans le ciel, la croix et la verticale recourbée : « Par ce signe, tu vaincras », m’a dit Christos, et je l’ai éprouvé. Pourquoi aujourd’hui ton Église se divise-t-elle en partisans de Donatius et de Cécilien ? Je vais rassembler les évêques en Arles et ils m’écouteront, ils obéiront, parce que tel est l’intérêt de l’Église, et celui de l’Empire. Je ne veux pas que vous, chrétiens – je l’ai dit à Miltiade et je le redirai aux évêques –, tolériez, de quelque manière que ce soit, aucune division, en quelque lieu que ce soit, au sein de l’Église de Christos. Je ne veux pas d’un signe fendu. J’ai besoin de l’unité !
Était-il pieux, l’homme qui m’avait ainsi parlé et qui, maintenant, en Arles, après avoir rengainé le glaive dans son fourreau, a croisé les bras, semblant ne pas prêter attention aux propos des évêques qu’il avait laissés s’exprimer, puis, alors que Donatius avait commencé à parler, l’a interrompu d’un geste brusque :
— En pensant à la prospérité, à la gloire et à l’unité de l’Empire, en me souvenant de la grâce divine qui m’a été accordée et par laquelle j’ai vaincu, je dis que tous les peuples de l’Église chrétienne doivent avoir une seule foi !
Il a fait un pas en avant, se trouvant ainsi au bord de l’estrade, paraissant encore plus grand et plus massif, écrasant Donatius de sa haute et puissante stature.
D’une voix forte, rugueuse, scandée, il a repris :
— Dieu ne veut pas que l’humanité vive trop longtemps dans les ténèbres. Il ne permet pas que la volonté mauvaise de certains l’emporte assez pour ternir Sa lumière et L’empêcher de montrer le chemin !
Il a de nouveau brandi son glaive et l’a tenu droit, la pointe de la lame dirigée vers le ciel.
Donatius a levé la tête, écoutant encore Constantin annoncer que l’on confisquerait les biens des évêques et des diacres qui s’obstineraient à prôner l’exclusion des évêques fautifs et l’abolition des sacrements qu’ils avaient accordés.
— C’est sa loi, a murmuré Cyrille. Les évêques doivent-ils s’y soumettre ?
Je n’ai pas répondu, mais j’ai détourné la tête pour ne plus voir le visage gonflé d’orgueil de Constantin.
Mais c’était l’intérêt de l’Église d’être unie, et son avenir était lié à celui de cet empereur dont tous les chrétiens avaient voulu la victoire – et Dieu avait approuvé notre choix.
Maintenant, après le rescrit de Milan, nos lieux de culte étaient nombreux, riches, envahis par la foule des croyants. Et les chrétiens exerçaient les plus hautes magistratures de l’Empire.
Tout à coup, une main s’est posée sur mon épaule, et, redressant la tête, j’ai vu Constantin qui se trouvait à un pas.
J’ai lu de la malice dans son regard.
— Ceux-là, a-t-il dit en montrant d’un hochement de tête les évêques, sont à l’intérieur de l’Église. Moi, je suis l’évêque du dehors, celui qui tient le glaive.
25
Le glaive de Constantin, chaque jour et durant des années, je l’ai vu, rougi du sang des Barbares et de celui des païens de l’Empire.
Le soir, après les combats, quand la nuit était pleine du râle des blessés et des hurlements rauques et brefs des prisonniers qu’on égorgeait, je ne pouvais quitter des yeux cette lame large et longue sur laquelle le sang, en séchant, avait noirci.
Constantin était assis, penché en avant, comme si sa lourde tête entraînait son buste et que, pour ne pas basculer, il devait prendre appui sur ses avant-bras posés sur ses cuisses.
Il exigeait que je me tienne près de lui sous sa tente, ou dans l’une des salles des palais qu’il occupait dans les villes qu’il avait conquises, en Illyrie, en Mésie, en Thrace.
Souvent il demandait à son fils aîné de nous rejoindre.
Crispus s’avançait, et, chaque fois, j’étais surpris par la vigueur, la
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