Constantin le Grand
Ils voulaient recevoir le baptême, prier Christos.
Certains prétendaient avoir vu des chrétiens affronter les supplices et les bêtes féroces sans paraître souffrir. Ils les avaient même entendus chanter alors qu’on les dépeçait, qu’on les faisait griller. Christos donnait-il une pareille force à tous ceux qui croyaient en lui ?
Ils baissaient la voix : était-il vrai qu’il était mort comme un humain, mais qu’il avait ressuscité et que tous ceux qui Le reconnaissaient pour Dieu unique obtenaient la vie et la paix éternelles ?
J’ai tendu le bras, montrant l’intérieur de l’église.
Qu’ils entrent, et si, parmi eux, il y avait des loups, que le baptême et la prière les changent en agneaux !
Peu après j’ai reçu Hésios.
Il m’a dévisagé, la tête penchée sur son épaule droite, puis il a pointé l’index sur ma poitrine.
Il s’était plaint à l’empereur et tenait à m’en avertir. Des chrétiens avaient chassé de leur temple les fidèles de Sol invictus . Ils avaient renversé les statues du dieu solaire et occupé le bâtiment pour le transformer en église chrétienne !
Cela s’était produit dans plusieurs villes de Gaule et d’Italie et Constantin s’en était indigné. Je devais, comme le rescrit impérial l’avait prévu, rappeler aux communautés chrétiennes qu’elles étaient astreintes à respecter les autres divinités.
J’ai répliqué qu’aucun païen n’avait été persécuté par les chrétiens, offert en pâture aux bêtes fauves, crucifié pour sa foi comme l’avaient été, depuis le Calvaire, tant de chrétiens.
Hésios a maugréé :
— Ceux qui viennent à toi aujourd’hui, peut-être l’as-tu compris, sont davantage attirés par le glaive de l’empereur que par le signe de Christos. Ils s’agenouillent devant la force, et c’est elle qu’ils prient ! Ils ont encore l’âme des persécuteurs.
Je me suis indigné.
Pouvait-il ignorer que des chrétiens étaient encore torturés, brûlés vifs dans les provinces d’Orient ? Savait-il que Maximin Daia se présentait comme l’empereur païen, défenseur et sauveur des dieux et de la religion de Rome ? Son armée de Syriens, d’Égyptiens, de Phrygiens marchait sur Nicomédie. Maximin Daia voulait traverser les détroits afin de battre Licinius en Thrace, puis – car il ne doutait pas de sa victoire – affronter Constantin qu’il accusait de n’être qu’un usurpateur soumis à la nouvelle religion.
— S’il l’emportait, crois-tu, Hésios, que je pourrais te rendre visite et te demander de faire respecter ma religion par l’empereur païen ?
Hésios a haussé les épaules, marmonné que Maximin Daia n’était qu’un tyran qui se servait des dieux pour justifier sa cruauté, sa démesure, sa folie.
— Il ne sera pas vaincu par ton dieu Christos, mais parce que Sol invictus et les divinités de Rome l’ont déjà abandonné !
Cyrille le chrétien, auquel Dieu avait donné la vertu de courage, m’a raconté plus tard la marche de l’armée de Maximin Daia qu’il avait suivie, mêlé à cette foule de marchands, de femmes et de pillards qui toujours accompagnent les soldats.
Il avait été témoin des persécutions perpétrées contre les chrétiens, des massacres qui avaient laissé une traînée sanglante d’Antioche jusqu’à Byzance. Cyrille m’a avoué qu’à plusieurs reprises il avait eu la tentation de rejoindre ces martyrs, ou bien de se précipiter dans un puits pour ne plus voir ni entendre.
Mais, dès les premiers combats, il avait su que cette armée cruelle et débauchée serait vaincue.
Elle avait dû affronter les troupes du roi d’Arménie qui venait de recevoir le baptême et qui brandissait le signe de Christos.
Maximin Daia avait tenté de soulever contre les chrétiens les peuples de ces provinces d’Asie, de Bithynie, de Phrygie. Par les prêtres païens il avait fait répandre des calomnies contre Christos, accusé de luxure et de crimes rituels.
Mais qui pouvait encore croire le tyran ? Il n’était plus que craint.
Il avait conquis Nicomédie, puis traversé les détroits, et Byzance, terrorisée, lui avait ouvert ses portes.
Cyrille a fermé les yeux lorsqu’il a fait le récit du pillage de la ville, des crimes commis, de la débauche dans laquelle toute l’armée, à l’exemple de Maximin Daia, s’était engloutie. Elle avait brûlé les demeures, violé les femmes, éventré les coffres, brisé
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