Constantin le Grand
calme beauté de cet homme jeune dont les tribuns militaires, les centurions et les soldats louaient le courage et le génie guerrier.
Je l’avais connu enfant. Tout le monde ignorait ce que sa mère Minervina était devenue. Les courtisans le méprisaient, croyant ainsi satisfaire Constantin, honorer sa nouvelle épouse, Fausta, fille de l’empereur Maximien.
Ils félicitaient Constantin pour ses autres fils, Constantin le Jeune (mais peut-être celui-ci n’était-il qu’un bâtard), Constance et Constans, ses filles Hélène et Constantina.
Mais c’était Crispus, adolescent encore frêle, que Constantin avait appelé près de lui pour combattre, sur les bords du Rhin, les Francs et les Alamans, puis, sur les rives du Danube, pour repousser les hordes de Goths qui tentaient de traverser le fleuve et de déferler en Pannonie, en Norique, en Italie.
Et c’était Crispus qui combattait à présent à ses côtés l’armée de l’empereur Licinius qui avait pénétré en Italie, dont les soldats clamaient qu’ils voulaient renverser l’usurpateur, Constantin, l’empereur esclave des chrétiens, l’ennemi de la religion de Rome.
Il y avait ainsi partie liée entre les païens barbares et les païens de l’Empire, et le sang des uns et des autres devait couler.
J’osais dénombrer sur les champs de bataille les corps morts, ces cadavres d’hommes dont les âmes étaient sauvages et que Christos, dans sa bonté, accueillait peut-être malgré tout.
Il avait rendu Constantin invincible. Sous la tente impériale ou dans les palais, à Trêves ou à Milan, à Sirmium ou à Byzance, je lui répétais qu’il était fort de la force des chrétiens, que sa puissance serait d’autant plus grande qu’elle se proclamerait au service de Christos et de son Église.
Il m’écoutait en silence.
Parfois il cachait son visage dans ses paumes et je pensais qu’il allait s’assoupir, mais, au moment où je me levais pour me retirer, il m’interpellait, m’ordonnant de m’asseoir.
Je me souviens d’une nuit en Illyrie, c’était en l’an 316, la pluie déferlait. Les armées de Licinius avaient été défaites, et l’empereur d’Orient s’était enfui à Byzance avec son épouse, Constantia, la demi-sœur de Constantin, et son fils Licinius le Jeune.
Je savais qu’un messager de Constantia était arrivé au camp.
— Ma sœur me demande d’épargner Licinius, a marmonné Constantin.
Il a levé sa main ouverte, puis l’a fermée lentement, gardant le poing serré.
— Je peux, demain, si je le veux…
Et il a tendu son poing vers moi.
J’ai plaidé pour qu’il exauce le vœu de Constantia.
Il a abattu violemment son poing sur sa cuisse.
— Licinius veut ma mort ! a-t-il grondé. Il me sautera à la gorge dès qu’il en aura l’occasion.
— Arrache-lui ses dents, ses griffes, ai-je répondu.
Licinius fut laissé en vie, mais dut abandonner la plupart des provinces sur lesquelles il régnait. L’Illyrie, la Pannonie, la Mésie devinrent possession de l’empereur d’Occident, Constantin le Grand. Licinius ne conserva que la Thrace.
J’ai assisté à la rencontre des deux empereurs au palais de Sardique, ville au cœur de la Mésie.
J’ai remarqué le teint grisâtre de Licinius. Chacune de ses expressions, chacun de ses gestes ou de ses regards exprimait la terreur qui le tenaillait.
Il tressaillait chaque fois qu’entraient dans la salle un tribun, un centurion ou un soldat. Il tenait la main de Constantia comme si son épouse avait été son bouclier, qu’elle seule pouvait le protéger en tant que sœur de Constantin.
La main toujours crispée sur le pommeau de son glaive, l’empereur s’était montré méprisant. Il avait répété que dans l’empire d’Orient, les provinces d’Asie, de Bithynie, de Phrygie, de Syrie, les chrétiens devaient recouvrer tous les biens et les droits dont Maximin Daia les avait privés.
— Tu l’as vaincu, a dit Constantin. Tu as accepté le rescrit de Milan qui accorde la paix à toutes les religions et reconnaît la chrétienne.
Il a sorti à demi son glaive du fourreau.
— Je porte et défends le signe de Christos, ne l’oublie pas, Licinius.
Ce dernier a assuré qu’il avait affiché sur les murs du palais de Nicomédie le rescrit de Milan et qu’il en appliquait toutes les dispositions.
— Sois fidèle à tes engagements ! a conclu Constantin.
Puis les deux empereurs se sont séparés après
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