Constantin le Grand
du bien publics, voulons par ce rescrit assurer le bien de tous ceux qui respectent la divinité de telle sorte que ce qu’il peut y avoir de divinité et de pouvoir céleste puisse nous être bienveillant à nous tous comme à tous ceux qui vivent sous notre autorité. »
Hésios lisait et relisait chaque phrase. J’ai accepté ici et là de changer quelques mots qui le heurtaient.
L’important était que ce rescrit reconnût à l’Église chrétienne sa place au sein de l’Empire.
Le rescrit de Galère avait commencé d’éclairer pour les chrétiens le ciel de l’Empire ; celui de Constantin l’illuminait. Les chrétiens, répétait-il, avaient le droit de pratiquer leur religion, et l’empire avait besoin de leurs prières. Ils obtenaient en outre la restitution des biens dont ils avaient été spoliés.
« Nous avons cru, dans un dessein salutaire à tous, devoir prendre la décision de ne refuser à quiconque, qu’il ait attaché son âme à la religion des chrétiens ou à celle qu’il croit lui convenir le mieux, le droit de la suivre, de pratiquer son culte et de lui demander d’appeler son dieu à protéger l’Empire. »
Ainsi serait instaurée la paix.
« Et l’on verra la faveur divine dont nous avons éprouvé les effets dans de graves circonstances continuer d’assurer le succès de nos entreprises et garantir la prospérité publique. »
Licinius et Constantin ont accepté le texte que j’avais rédigé et qu’Hésios avait approuvé.
Mais, le même jour, Constantin a annoncé qu’il allait sacrifier à Sol invictus et qu’il continuerait d’honorer les divinités de Rome. Il était et demeurait Pontifex Maximus , le souverain pontife dont on devait célébrer le culte.
J’ai remarqué le sourire d’Hésios.
Je savais cependant que chaque chrétien portait en lui une foi plus forte que celle de tous les croyants de toutes les divinités de Rome.
Et que c’était Christos qui engrangerait les moissons.
23
J’ai su que partout dans l’Empire germait le blé chrétien.
Des messagers m’ont annoncé que dans toutes les villes, à l’exception de celles qui subissaient le joug du tyran Maximin Daia, le rescrit impérial – ces mots que Dieu m’avait dictés – était le levain des âmes.
À Rome, les païens s’agenouillaient au pied des murs de la nouvelle basilique qui surgissait de terre.
Ils se pressaient aux portes du palais du Latran, suppliant notre pape Miltiade de les accueillir. Ils voulaient faire partie du corps chrétien.
Ils s’agglutinaient comme des abeilles sur des buissons de fleurs pour écouter la lecture du rescrit.
Ils voulaient le voir affiché sur les colonnes du palais impérial, à Trêves, à Sirmium, à Nicomédie. En Gaule, en Espagne, en Bretagne, les gouverneurs des provinces l’avaient fait placarder à l’entrée des bâtiments impériaux et des camps des légions.
À Milan, devant les portes de l’église, les païens m’ont entouré. Leurs voix exaltées se mêlaient. Ils demandaient s’il était vrai que l’empereur Constantin et Licinius, celui de Pannonie, avaient reconnu la toute-puissance, la prééminence d’un Dieu unique, ce Christos ? Était-ce celui dont le signe s’était inscrit dans le ciel au début de la bataille entre Constantin et Maxence ?
Ils maudissaient cet usurpateur qui avait pressuré l’Italie tout comme son père Maximien l’avait fait avant lui. Gloire et reconnaissance à Constantin qui les avaient défaits ! Gloire au dieu Christos qui avait précipité Maxence dans le Tibre où il s’était noyé, tel Pharaon recouvert par les eaux du Nil !
J’écoutais.
J’étais partagé entre l’ivresse du berger qui voit croître son troupeau et la crainte qu’il éprouve devant tant de nouvelles brebis, à imaginer que sous la laine de quelques-unes se cachent des prédateurs.
Les païens n’ont cessé de m’interroger.
Ils voulaient s’assurer que les chrétiens étaient bien désormais les fils préférés de l’empereur. Que leurs biens personnels, comme l’avaient été ceux qu’on avait restitués aux églises, seraient protégés, exemptés d’impôts. Que les charges lucratives des magistrats, jusqu’aux plus hautes, seraient désormais accordées par priorité aux chrétiens.
Je n’ai pas répondu.
Je voyais l’avidité briller dans leurs yeux. Il me semblait entendre grincer leurs canines.
Mais ils se sont agenouillés autour de moi.
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