Constantin le Grand
reste près de lui même lorsqu’il entrait dans les chambres où se tenaient l’impératrice Fausta et ses enfants.
Il s’asseyait parmi ses fils Constantin, Constance, Constans. Il caressait les cheveux de ses filles, Hélène et Constantina.
Son attitude, sa tendresse me rassuraient. Il aimait les siens.
Il s’approchait de son épouse, Fausta, dont la beauté et la blondeur m’éblouissaient, me forçant à baisser les yeux. Le regard de cette femme me pénétrait. Je me défiais des silences qui accompagnaient ses sourires. Ils m’inquiétaient et me glaçaient comme si j’avais eu en face de moi une tigresse aux aguets, dissimulant ses crocs et ses griffes, mais prête à bondir.
Je ne pouvais oublier qu’elle était la fille de l’empereur Maximien, un persécuteur, un homme que l’on avait retrouvé étranglé après qu’il se fut rendu à Constantin.
Comment Fausta ne s’en serait-elle pas souvenue ?
Elle était aussi la sœur de l’empereur Maxence, vaincu par Constantin et que les eaux du Tibre avaient englouti avant de rejeter son corps dont un Gaulois avait tranché la tête afin de la présenter à Constantin.
Parfois je craignais que Constantin, face à la beauté juvénile de Fausta, à ses charmes de femme rouée, n’en vînt à baisser la garde, à oublier que son épouse, la mère de ses enfants, était aussi une fille et une sœur meurtries, une ambitieuse avide.
Puis je le voyais reculer d’un pas comme un combattant qui, dans l’arène, jauge son ennemi.
Et j’étais rassuré.
Constantin ne serait pas facile à vaincre. Celui ou celle qui essaierait de le tromper, de le trahir, devrait l’abattre, car la riposte serait fulgurante – comme un javelot lancé.
Je ne le voyais sans crainte déposer son armure et son glaive que lorsqu’il se trouvait en compagnie de sa mère, Hélène.
J’avais connu cette femme à Drepanum, petite cité proche de Nicomédie. Là, Constantin avait épousé Minervina. Un fils, Crispus, leur était né.
J’avais été ému, il y avait déjà près de vingt ans, quand j’avais découvert le lien d’amour profond qui unissait Hélène et Constantin. Elle avait été l’épouse que Constance Chlore avait répudiée pour épouser Theodora, fille de la première épouse de Maximien.
Hélène avait donc été humiliée, rejetée, contrainte de quitter, avec son fils Constantin, le palais impérial de Trêves pour la demeure au sol battu de Drepanum.
Je l’ai retrouvée à Rome au lendemain de la victoire sur Licinius. Elle était agenouillée et priait Christos qu’elle remerciait d’avoir hissé son fils au plus haut pouvoir qu’un homme puisse posséder.
En exil, sans craindre les délateurs et les persécuteurs, les hommes de Galère et de Maximin Daia, elle avait reçu le baptême.
— Je prie pour mon fils et mon petit-fils, me murmurait-elle tandis que Constantin s’éloignait et qu’elle me retenait en m’agrippant le bras. Veille sur Constantin et sur Crispus ! insistait-elle. J’ai peur pour eux. Ils ont besoin de nos prières.
Qui pouvait les menacer ? Constantin était l’empereur unique dont on allait célébrer le long règne. Il avait été acclamé par ses soldats, empereur, il y avait de cela près de vingt ans, en Bretagne. Depuis lors, avec patience et énergie, d’habiles manœuvres en guerres gagnées, il avait conquis tout le pouvoir. Et sans jamais oublier ce qu’il avait vécu dans son enfance, en honorant sa mère du titre d’impératrice.
Cependant, Hélène Augusta s’inquiétait pour le fils, cet homme puissant qui approchait les quarante-cinq années.
Et elle m’avait demandé d’appeler aussi la grâce de Christos sur la tête du fils aîné de Constantin, Crispus.
J’avais de l’affection pour ce jeune césar d’un peu plus de vingt ans.
Il avait la force et le courage de son père, mais son visage était plus fin, sa maîtrise plus grande.
Constantin avait été taillé dans une pierre à gros grains ; son fils Crispus, dans un marbre lisse.
Mais, sur le Rhin, face aux Alamans et aux Francs, il avait montré qu’il était un chef de guerre. Et à la tête de la flotte de Constantin il avait vaincu, à Byzance, les trirèmes de Licinius. On le louait comme le successeur naturel de Constantin.
Qui eût pu le menacer ? Il était choyé, flatté, et se montrait un fils admiratif et soumis.
Je l’apercevais souvent, marchant aux côtés de Licinius le
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