Constantin le Grand
avaient exalté les âmes. Les chrétiens n’étaient plus menacés. Sur ordre de Constantin, on avait rendu leurs biens aux églises, mais les âmes restaient inquiètes, déchirées, meurtries.
Cyrille avait confirmé mes craintes.
En Égypte, des hommes retirés dans le désert, des ascètes aussi maigres que des roseaux du Nil, s’étaient rassemblés autour d’un prêtre, Arius, qui prétendait que seul Dieu était Dieu, que le Fils et le Saint-Esprit n’étaient que des intermédiaires entre Lui et les humains. Des prêtres, des évêques, des portefaix, des pauvres, des jeunes vierges avaient rejoint Arius. L’évêque d’Alexandrie, Alexandre, l’avait condamné. Il avait tenté de convaincre qu’Arius, en refusant l’incarnation de Dieu en Christos, l’union entre les trois espèces, contestait ce qui était le cœur de notre foi. Christos était pour les chrétiens pleinement Dieu et Homme. En chaque homme il y avait de Dieu, parce que Christos avait souffert et était mort comme un homme avant de ressusciter comme Dieu.
Cyrille m’avait rapporté ces violents débats entre chrétiens. On s’insultait. On évoquait les persécutions subies, l’attitude de tel ou tel devant les soldats et les bourreaux. On accusait celui-ci, qui avait été lâche. Celui-là avait renié sa foi, devenant lapsi et apostat. Tels autres n’avaient-ils pas déserté et renoncé ? Et quelle pénitence devait-on infliger à ceux qui avaient failli, avant de leur pardonner, de les accueillir à nouveau dans la communauté chrétienne ?
J’avais cru ces questions résolues au concile d’Arles, mais elles resurgissaient, envenimant la controverse sur l’unité de Dieu, du Fils et du Saint-Esprit.
Constantin avait, en Arles, choisi la clémence. Et voici qu’on ne tenait pas compte de sa décision. Les querelles troublaient la paix et l’ordre dans les provinces d’Orient.
Cyrille m’avait dit que dans certaines villes d’Égypte, mais aussi en Palestine et en Syrie, les partisans d’Arius et ceux d’Alexandre s’affrontaient comme des ennemis, ne se contentant pas de prêcher, mais rouant de coups leurs adversaires, menaçant de les chasser après les avoir dépouillés de leurs biens.
Fallait-il donc que, la persécution des païens ayant cessé et la religion de Christos étant enfin reconnue par l’empereur, l’Église se déchire et que certains croyants s’emploient à détruire le Dieu unique ?
Quel démon voulait ainsi briser l’unité de la foi ?
J’ai exposé cela à Constantin cependant que nous marchions dans l’atrium du palais impérial.
Il s’est arrêté plusieurs fois, ne m’interrompant pas mais me fixant cependant que je lui répétais que l’Église souffrait, que des communautés chrétiennes se fendaient comme des fruits malades, et que, si on ne soignait pas l’arbre, il ne donnerait plus que des fruits crevassés, que l’Église qui devait être celle du Dieu unique allait, si on laissait les partisans d’Arius prêcher, s’émietter en cent croyances.
— Que veux-tu ? m’a demandé Constantin.
— Je te dis ce qui est et ce qui peut advenir.
J’ai vu son visage se contracter. Puis il m’a tourné le dos et s’est éloigné.
J’avais rempli son sac de semences. Il a suffi d’un jour pour qu’il y plonge la main.
J’ai vu entrer au palais impérial le nouvel évêque de Rome, Sylvestre. Il est ressorti au bout de quelques instants seulement de la salle d’audience, la tête baissée. Il m’a chuchoté que Constantin se conduisait en Pontifex Maximus , en maître de l’Église, qu’il avait convoqué un concile de tous les évêques de l’Empire, qu’il offrait à chacun d’eux l’usage de la poste impériale, des cadeaux, et l’accueil en son palais de Nicomédie.
C’est ainsi que j’ai appris que ce concile se tiendrait à Nicée, un port de la côte de Bithynie, à quelques heures de route seulement de Nicomédie.
J’ai lu la lettre que Constantin avait adressée à chacun des évêques : « Je veux vous voir rassemblés pour qu’avec le concours du Dieu sauveur nous empêchions le démon de diviser notre foi. »
Il reprochait à Arius et à l’évêque d’Alexandrie de s’être opposés à propos de vaines querelles : « Elles peuvent bien servir à l’exercice de l’esprit, mais doivent être renfermées en vous-mêmes et non lancées à la légère dans les réunions publiques ou confiées aux oreilles du
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