Constantin le Grand
Jeune, le rejeton de Licinius et de Constantia, la demi-sœur de Constantin.
L’un et l’autre étaient chrétiens, et j’imaginais qu’à travers eux, quand Dieu rappellerait à lui l’empereur régnant, l’Empire chrétien se perpétuerait.
Déjà Constantin avait choisi Crispus comme gouverneur de la Gaule, et cela m’avait paru indiquer qu’il préparait sa succession.
J’ai donc prié sans inquiétude pour l’empereur et son fils, pour l’Empire chrétien.
Puis, un jour que je me dirigeais seul vers la grand-salle du palais impérial, j’ai vu surgir en face de moi, dans la pénombre, Fausta, fille et sœur de persécuteurs.
Son visage était tendu, ses mâchoires crispées, ses lèvres serrées.
— N’oublie pas mes fils dans tes prières, m’a-t-elle dit d’une voix rude. Ils sont de lignée impériale. Que personne ne les oublie !
Puis elle s’est éloignée.
J’ai appris peu après que Constantin avait octroyé au premier fils qu’il avait eu avec Fausta, Constantin le Jeune, le titre de césar, et que, ce faisant, il l’avait élevé ainsi au même rang que Crispus.
J’ai craint, tout à coup, qu’entre Crispus et les fils de Fausta ne vienne se glisser le serpent de la jalousie. Et que Fausta, fille et sœur de persécuteurs, Fausta la perverse ne s’empresse de nourrir le reptile.
Constantin saurait-il faire face à ce démon ?
J’ai deviné des manœuvres, j’ai entendu des rumeurs. Qui répandait ce venin ?
On rappelait que l’empereur Dioclétien avait, en homme sage, abdiqué après vingt ans de règne. Or Constantin ne s’apprêtait-il pas à les célébrer ?
Il avait auprès de lui des fils. Et d’abord l’aîné, Crispus, aux éminentes qualités, chef de guerre et gouverneur plein de prudence, d’habileté, lettré, instruit par les meilleurs rhéteurs, et chrétien depuis l’enfance, donc, homme des temps nouveaux.
Pourquoi Constantin ne s’effacerait-il pas à son profit ?
N’était-ce pas ce que souhaitait Crispus ? Ce à quoi il se préparait ?
Ce que tant de chrétiens espéraient ?
Parfois, alors qu’on acclamait Crispus, qu’on tressait ses louanges, je saisissais une expression qui tordait la bouche de Constantin. Fugace, cette moue, mais j’en tressaillais.
Je pressentais que le poison avait commencé à faire son œuvre.
J’ai voulu protéger Constantin contre lui-même.
Une nouvelle fois je lui ai proposé de recevoir le baptême, de ne plus être seulement celui qui invoque le nom de Christos, qui parle au nom des chrétiens, les protège et les comble de bienfaits, mais celui qui est chrétien, dont l’âme est pénétrée par les vertus de pardon, de compassion et de tendresse de notre religion.
Il a plissé les paupières, aiguisant entre elles son regard.
— Pourquoi t’inquiètes-tu, Denys ? N’ai-je pas donné assez de preuves de ma foi ? Ce que j’ai accompli ne te suffirait-il pas ? Dieu, Lui, m’a accueilli et récompensé, puisqu’il m’a accordé toutes les victoires. Que crains-tu ? Je recevrai le baptême à la veille de ma mort, pour me présenter devant Dieu lavé de toutes mes fautes.
Il a souri et ajouté :
— Jusque-là, je suis et serai ce que j’ai été.
Il voulait conserver unies en lui la toute-puissance de Christos et la sauvage violence de l’homme qui avait combattu et tué dans l’arène.
J’ai vu à l’œuvre cet homme double qu’était Constantin et je l’ai servi pour le bien de l’Église chrétienne.
J’ai marché à ses côtés dans les rues de Rome et j’ai vu les chrétiens lui faire cortège. On l’acclamait. On criait que, grâce à lui, naissait sur terre le royaume de Dieu.
Sur les corps des plus âgés de ces hommes, mes frères en Christos, je voyais les séquelles encore purulentes des supplices qu’ils avaient endurés aux temps, si proches encore, où les persécuteurs, les empereurs païens régnaient.
L’un de ces chrétiens montrait ses moignons, l’autre son œil crevé. Ils remerciaient Constantin de les avoir délivrés du mal.
Ils n’imaginaient pas que leur protecteur, qu’ils appelaient leur sauveur, n’avait pas encore reçu le baptême.
Ils l’entouraient sur les chantiers des basiliques dont il avait ordonné la construction, là où des chrétiens avaient été suppliciés.
Ils savaient que Constantin avait interdit qu’on crucifiât les condamnés, la croix étant le signe de Christos.
Ils voyaient que la
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