Constantin le Grand
première basilique, celle qui portait son nom, était presque achevée et que le marbre et les mosaïques qui en recouvraient les murs, les cent colonnes qui soutenaient ses cinq nefs provenaient de temples où l’on avait naguère célébré les divinités païennes.
Cette époque-là, où l’on sacrifiait pour Jupiter, Apollon, Sol invictus ou Hercule, était bien révolue.
Constantin le voulait.
J’ai longé avec lui les remparts de Rome, la via Tiburtina, la via Ostiensis.
J’ai traversé à ses côtés les ponts du Tibre, marché jusqu’aux collines. Partout des chrétiens nous accueillaient.
Là, sur la via Ostiensis, en ce lieu on l’on avait crucifié l’apôtre Paul, Constantin, d’une voix forte, celle d’un empereur qui avait commandé sur les champs de bataille les légions de Rome et avait vaincu Barbares et païens, exigea qu’on entreprît aussitôt d’élever une basilique.
Et sur l’autre rive du Tibre, là où Pierre l’apôtre, premier évêque de Rome, avait été crucifié la tête en bas, il lança les mêmes ordres et fit taire les quelques Romains qui objectaient qu’il faudrait, pour élever la basilique, bouleverser un cimetière qui s’étendait à cet endroit.
Les esclaves se mettaient déjà au travail.
Certains d’entre eux avaient reçu l’assurance qu’ils seraient bientôt affranchis puisque les évêques avaient obtenu de Constantin le droit de les libérer de leur servitude.
Dans de nombreux quartiers de Rome, des églises nouvelles, quand ce n’étaient pas d’anciens temples païens, avaient été voués au culte de Christos.
Ainsi, l’empereur changeait le visage de Rome.
Alors que nous parcourions les rues, j’apercevais des silhouettes de femmes qui s’esquivaient ou se dissimulaient en hâte.
Parfois des soldats se saisissaient de l’une d’elles, femme au visage maquillé, à la tunique échancrée, que l’on traînait devant l’empereur. Il rappelait qu’il avait interdit la prostitution. Il ne voulait plus que Rome fut un lupanar, la ville païenne et débauchée qu’elle avait été.
Rome devait être chrétienne, vertueuse.
C’en était fini du concubinage, des répudiations, des enfants vendus pour n’être que des objets de plaisir.
L’empereur voulait que l’enfant fut aimé dans sa famille, que la ville fut nettoyée de cette boue de luxure et d’orgies qui l’avait ensevelie, et d’abord les palais des empereurs.
Je savais que la vie de Constantin n’était pas exemplaire.
Qu’était devenue Minervina, la jeune mère de Crispus, répudiée, comme l’avait été Hélène, la propre mère de Constantin, parce que les nouvelles épouses, celle de Constance Chlore, Theodora, et celle de Constantin, Fausta, étaient de lignée impériale ?
Les lois qu’il promulguait n’en imposaient pas moins la vertu.
Et je pensais qu’un jour viendrait où les deux faces de Constantin se confondraient.
Alors l’homme qui faisait naître l’Empire chrétien serait lui-même devenu un chrétien.
Mais, pour l’heure, même si la main du semeur était encore souillée, elle répandait déjà sur la terre le bon grain.
27
Je l’avoue avec humilité : c’est moi, Denys, qui, au printemps de l’an 323, ai rempli de semences le sac de Constantin le Grand.
Un jour de mars, je suis entré dans la salle d’audience du palais impérial et je me suis immobilisé face à Constantin sans me mêler aux courtisans et aux conseillers qui l’entouraient.
Je l’ai regardé. Je savais qu’il allait comprendre que j’attendais qu’il fut seul pour lui parler.
Le temps a passé et je n’ai pas bougé. Enfin, Constantin s’est levé et, comme un vol de moineaux, les hommes qui se pressaient autour de lui se sont écartés. Il est venu vers moi et m’a entraîné dans l’atrium.
J’avais écouté toute la nuit les récits de Cyrille.
Il était mes yeux et mes oreilles. Je savais que sa parole était de vérité.
Il avait parcouru à ma demande les provinces d’Orient, de Nicomédie à Tarse, d’Antioche à Alexandrie.
Je m’inquiétais des communautés chrétiennes de Bithynie, d’Asie et de Phrygie, de Syrie et d’Égypte. Elles avaient subi la plus longue et la plus cruelle des persécutions. Maximin Daia et Licinius avaient plongé leur haine païenne rougie au feu dans les corps chrétiens. Et je savais que les chairs des survivants étaient encore pantelantes, que la souffrance et le martyre
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