Constantin le Grand
peuple. Je veux que l’unité règne dans l’Église parce que je veux que l’Empire connaisse l’unité, le bonheur et la paix. »
Que les chrétiens me jugent : j’avais rempli le sac. Constantin avait semé, excluant le pape du concile et prenant sa place.
Je fus à ses côtés dans le palais impérial de Nicomédie, puis dans celui de Nicée.
Constantin s’est avancé au milieu des trois cent dix-huit évêques, vêtu de sa tunique ornée de pierres précieuses, marchant d’un pas majestueux, bras croisés, mais manifestant son respect pour les évêques, les comblant de présents, leur offrant de somptueux banquets, ne s’asseyant sur son trône d’or que lorsqu’ils avaient eux-mêmes pris place.
Il leur dit d’une voix qu’il voulait modeste :
— Je ne suis que l’évêque du dehors.
Et je me suis souvenu de cette phrase qu’il avait déjà prononcée au lendemain du concile d’Arles, il y avait plus de dix ans.
Je suis allé d’un évêque à l’autre, lisant sur leurs visages l’étonnement, le ravissement, le plaisir.
Tous avaient subi des humiliations et un grand nombre d’entre eux avaient été torturés ; celui-ci ou celui-là montrait, comme les chrétiens dans les rues de Rome, ses plaies encore ouvertes.
Et voici qu’ils siégeaient en face de l’empereur qui était bien, en l’absence du pape Sylvestre, le Pontifex Maximus de cette assemblée.
Les évêques en étaient flattés, comme engourdis par la magnificence des lieux, la prodigalité impériale, les honneurs que les cohortes alignées dans les cours des palais leur rendaient.
J’observais Constantin. Il écoutait les discours des uns et des autres. Il levait le bras pour empêcher que ne se développât une dispute entre les orateurs qui se contredisaient.
Il parlait en grec, comme un rhéteur ou un philosophe. Il tressait des louanges aux uns, entourait les quelques partisans d’Arius d’un silence si prolongé qu’il en devenait menaçant.
Puis, un jour, à la fin de mai, il s’est brusquement levé alors que parlait un évêque proche d’Arius qui, surpris, s’est aussitôt interrompu, cependant que Constantin criait, son visage exprimant la colère, la fureur, même :
— C’est assez !
Il martela :
— Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, Créateur de toutes choses visibles et invisibles. Et en un seul Seigneur, Christos, le Fils de Dieu, Dieu de Dieu, lumière de lumière, engendré mais non pas fait, de même substance que le Père.
Que les chrétiens me jugent.
J’ai été heureux que la parole de Constantin, l’empereur unique, tranchante comme un glaive, condamne Arius, ennemi du Dieu unique, à l’exil.
Quelques jours plus tard, le 19 juin 325, j’étais assis à la droite de Constantin le Grand lors du banquet offert par l’empereur aux évêques, dans son palais de Nicomédie, avant leur départ pour leurs provinces.
Le trône de Constantin était d’or, comme les plats et les couverts, les gobelets placés devant chaque prélat.
C’était le vingtième anniversaire du jour où, pour la première fois, des soldats l’avaient acclamé comme empereur. Il était devenu l’unique maître de l’empire du genre humain.
Les évêques se sont levés pour l’honorer, prier pour lui, le remercier des cadeaux qu’il leur offrait, des pouvoirs nouveaux qu’il leur accordait, des règles de vertu qu’il imposait aux prêtres.
Constantin a dit :
— Vous êtes la voix de Dieu, les représentants de Christos. Soyez à son image : purs. Rejetez les tentations !
Lui, qui n’était encore qu’un païen, s’exprimait comme le Pontifex Maximus de l’Église chrétienne.
Il lui imposait d’être unie et puissante, telle que je la voulais.
J’avais rempli son sac de semences. Il semait. Il arrachait l’ivraie. Il récoltait.
Et l’Église engrangeait.
À la fin du banquet, avant de quitter la salle, Constantin a lancé :
— Tous les chrétiens ensemble adorent Dieu qui voit tout !
Les évêques ont répété ces mots d’une seule et même voix.
Je les murmure encore.
Que Dieu me juge, Lui qui voit tout.
28
Dieu a donc vu ce que j’ai vu.
J’étais aux côtés de Constantin sur le quai du port de Nicée.
Les navires qui devaient reconduire l’impératrice Fausta et les évêques d’Occident jusqu’à Aquilée, Ostie et Massalia étaient alignés devant nous.
Les marins s’affairaient, achevant
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