Contes populaires de toutes les Bretagne
n’était pas des plus faciles.
Il s’agissait d’aller dans la forêt de Chausey à la rencontre d’un cheval fougueux
et indomptable. Il errait dans ces bois sans fin sans que nul n’eût pu s’en
rendre maître, ni même l’approcher à plus de quelques brasses.
Le pêcheur revint annoncer cette nouvelle corvée à son petit
cheval. Celui-ci lui dit :
— Cela n’est rien et me regarde. Partons. Mais
auparavant, Il faut que tu achètes neuf peaux de bœufs, que tu les couses l’une
sur l’autre afin que, lorsque nous serons dans la forêt, tu me couvres avec, et
que tu me les noues autour du ventre. C’est pour éviter que les morsures du
cheval ne me fassent du mal, car je l’appellerai et nous nous battrons. Au plus
fort du combat, tu sortiras de ta cachette, tu lui passeras un nœud coulant aux
pieds de devant. Alors je me jetterai sur lui, tu lui mettras un baillon et une
bride, et nous le conduirons au roi.
Dès qu’ils furent arrivés dans la forêt, le cheval hennit et
le pêcheur se cacha. La bataille eut lieu. Le cheval indompté fut pris,
garrotté et amené aux pieds du roi. Mais celui-ci, au lieu de féliciter le
pêcheur, le regarda de travers. Enfin, il lui dit :
— Chien de Breton ! puisque tu es si habile à
surmonter les difficultés et à esquiver les dangers, je t’ordonne d’aller dans
ton pays me chercher, dans les caves du Menez-Bré, l’eau qui fait vivre, l’eau
qui fait mourir et l’eau qui redonne la jeunesse.
Le pêcheur avait bien entendu parler de ces caves et des
eaux qui faisaient vivre, qui faisaient mourir et qui redonnaient la jeunesse.
Mais comment allait-il pouvoir s’en emparer ? Elles étaient gardées par un
grand sorcier qu’on appelait Merlin, et qui interdisait à quiconque d’approcher
de cet endroit. On disait aussi que les eaux provenaient de trois fontaines
surveillées par des dragons à sept têtes dont les gueules vomissaient du feu,
du soufre, de la poix brûlante et de la vapeur. Le pêcheur, en imaginant ce qui
allait se passer, se crut déjà mort, et il vint, en pleurant, conter ses
malheurs à son petit cheval. Mais celui-ci lui dit :
— Partons ! je connais l’entrée secrète de ces
caves. Prends dans ma mangeoire trois boules que tu partageras et que tu
jetteras aux dragons. Ainsi ils s’endormiront. Aussitôt tu rempliras tes fioles
et tu viendras me rejoindre à l’entrée des caves que je garderai. Sois
tranquille, cette expédition est sans danger, et je profiterai du moment où
Merlin se repose pour t’y conduire.
Le pêcheur et son cheval partirent pour la Bretagne [4] . Ils attendirent le moment
favorable et le pêcheur pénétra dans les caves du Menez-Bré, jeta les boules
aux dragons qui cessèrent aussitôt leurs sifflements pour se les
disputer : bientôt ils s’endormirent d’un lourd sommeil.
Le pêcheur de Saint-Cast remplit ses bouteilles avec l’eau
des fontaines et revint vers l’entrée où son cheval montait la garde. Celui-ci
lui dit alors :
— Nous touchons au moment où il faudra nous quitter.
Mais ne t’inquiète de rien. Tu vas garder ces eaux pour toi et tu ne les
donneras pas au roi, car il ne les mérite pas. Bois une goutte de l’eau qui
fait vivre et, ainsi, nul ne pourra t’ôter la vie. Lave-toi avec l’eau qui
rajeunit et, ainsi, tu seras le plus beau des hommes. Ensuite, quand nous
serons rentrés, tu demanderas la main de la princesse Dore. Elle t’a causé
assez de mal pour que tu en sois récompensé. Mais avant de t’épouser, elle
exigera que tu ailles tuer le cheval fougueux en combat singulier, car ce
cheval est en réalité un prince féroce qui a enlevé sa sœur et l’a fait mourir
de chagrin. C’est pourquoi sa marraine, une fée, a changé le prince en cheval
afin de le punir. Mais si tu veux le tuer, il faut que tu jettes une goutte de
l’eau qui fait mourir sur sa tête.
Le pêcheur revint donc à la cour du mauvais roi. Celui-ci ne
le reconnut pas, tellement il était devenu beau grâce à l’eau de la fontaine
qui faisait rajeunir. Il se fit cependant reconnaître. Le roi, avec beaucoup de
hâte, lui demanda ses bouteilles, et il lui en prit une sans même s’assurer de
son effet : il voulait rajeunir, lui aussi, et il la porta à ses lèvres.
Malheureusement, c’était la fiole qui contenait l’eau qui faisait mourir, et il
expira aussitôt. Le pêcheur ne perdit pas son temps à pleurer le roi. Il
délivra immédiatement la princesse et la
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