Contes populaires de toutes les Bretagne
et d’huile. Il les appela sur-le-champ et leur
reprocha leur prodigalité et leur négligence.
— Voyez, dit-il, le cheval du pêcheur, comme il est
beau et luisant, et cependant il n’emploie ni savon, ni chandelle, et il ne se
nourrit que d’un peu d’avoine. Allez, et veillez à ce que je ne vous prenne
plus en défaut à l’avenir.
Les palefreniers, vexés et confus d’un reproche qu’ils
reconnaissaient avoir mérité, résolurent d’observer le pêcheur dans les soins
qu’il donnait à son cheval. Ils firent donc un trou dans le mur du logement
qu’on lui avait donné, et restèrent ébahis de le voir resplendissant de lumière
sans qu’il y eût cependant de lampe ni de chandelle, et n’y découvrant que le
pêcheur dormant près de son cheval.
Ils allèrent immédiatement prévenir leur maître. Celui-ci
vint à l’instant même s’assurer de ce qu’ils venaient de lui raconter. Il
aperçut dans un coin de la pièce la chaîne suspendue au mur et brillant plus
que les étoiles du Ciel. Il entra chez le pêcheur, et, l’éveillant en sursaut,
il lui dit en lui désignant le mur :
— D’où te vient cette chaîne, et pourquoi as-tu fait un
secret de sa possession ? Parle, ou tu es un homme mort !
— Maître, répondit le pêcheur, je l’ai trouvée sur la
route. Si elle est à vous, reprenez-la. Je vous la remets de grand cœur, et
vous l’auriez déjà si j’avais pu prévoir qu’elle vous appartenait.
— Elle n’est pas à moi, dit le maître. Elle appartient
à une princesse, reine d’une île éloignée. Elle l’a perdue sur mes terres,
quand elle s’est sauvée de chez son oncle alors que j’allais l’épouser. Si tu
tiens à la vie, il faut que tu la retrouves et que tu me l’amènes ici. Je suis
un roi, tel que tu me vois. Je cache ma puissance pour pouvoir retrouver plus
facilement la princesse. Ce n’est pas que je l’aime, mais elle a de grands
biens, et il me les faut pour enrichir mes États. Réfléchis, entreprends de la
retrouver, ou bien meurs. Tu me donneras ta réponse demain.
Et il sortit, laissant le pauvre pêcheur pleurant de
désespoir et ne songeant guère à son ami le roi des Poissons.
Son petit cheval, témoin de ses larmes, lui dit :
— Je t’avais prévenu que le bien d’autrui ne porte pas
bonheur, tu ne m’as pas écouté. Le mal est fait maintenant, il ne s’agit plus
de pleurer. Écoute-moi, et, cette fois, suis bien mes conseils : va dire
au roi que tu entreprendras le voyage. Il faut qu’il mette à ta disposition le
plus beau de tous ses bateaux. Ainsi tu pourras lui ramener la princesse. Quel
que soit le lieu où elle se trouve, nous finirons bien par la découvrir.
Le roi donna son meilleur vaisseau au pêcheur et ordonna à
l’équipage de lui obéir en tout. En prenant congé de lui, il lui dit que la
princesse s’appelait Dore et qu’elle était la fille unique et héritière du roi
Montargent, souverain des îles du Mont d’Or, près des côtes de Diamant, dans la
mer des Perles.
Ils naviguèrent très longtemps. Un jour, le petit cheval dit
au pêcheur :
— Fais monter quelqu’un en haut du mât. Si l’on voit
une terre, c’est celle que nous cherchons. Il faudra donc y aborder. Tu te
feras connaître comme un ambassadeur, mais tu te garderas bien de nommer celui
qui t’envoie, car la princesse te ferait jeter en prison.
Un instant plus tard, un matelot vint dire au pêcheur que
l’on apercevait une île que dominait un superbe palais, il donna l’ordre
d’aborder. Puis il se fit conduire au palais, où il arriva monté sur son petit
cheval, suivi de l’équipage du bateau. Après avoir dit qu’il était l’envoyé
secret d’un puissant roi, il demanda à être introduit près de la princesse.
La princesse Dore donna l’ordre de le recevoir. Elle
l’attendait dans son salon d’honneur, assise sur son trône, et quoique le petit
cheval l’eût prévenu et instruit, le pauvre pêcheur de Saint-Cast, peu habitué
à traiter les affaires d’État, et qui n’avait vu d’autre salon que celui de la
revendeuse qui, jadis, achetait son poisson, resta ébloui par la magnificence
des pièces par lesquelles il passait. Il faillit même s’évanouir quand il
arriva devant la princesse, tellement l’éclat de l’or et des pierreries qui la
couvraient blessa ses regards. Heureusement, un hennissement de son petit
cheval le remit tout à fait. Il donna à la princesse des lettres dont
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