Contes populaires de toutes les Bretagne
pays
bretonnant, Aventures d’un Prince , que j’ai publié dans la Tradition
celtique en Bretagne armoricaine , p. 267-272. Dans ce conte, le complice de la
mère est un Korrigan.
LE P Ê CHEUR DE SAINT-CAST
Il y avait jadis à Saint-Cast un homme pauvre qui vivait
seul dans sa cabane au bord de la mer. Il était fils de pêcheur. À l’âge de dix-huit
ans, il avait hérité de son père cinq ou six vieux paniers de pêche, deux ou
trois filets, et une vieille jument qui avait grandi avec lui et qui, lorsque
la pêche avait été bonne, portait le poisson à la ville.
Une certaine nuit, alors qu’il était allé relever ses
filets, il trouva dedans un énorme poisson d’une espèce qui lui était inconnue.
Il recula de frayeur, saisit un pieu et revint pour l’assommer. Mais il
n’acheva pas son geste, car le poisson se mit à lui parler, lui disant :
— Je suis le roi des Poissons. J’ai voulu visiter mes
États sans être accompagné de quiconque, comme un simple particulier. Je me
suis égaré. Fatigué du voyage, je me suis endormi sur ces algues, et la mer, en
se retirant, m’a laissé dans tes filets. Ma vie t’appartient donc, mais que
feras-tu de moi ? Je suis inconnu aux humains et nul ne voudra m’acheter.
Laisse-moi donc la vie et ne me fais pas de mal. Rends-moi la liberté, et si
jamais tu as besoin de moi, tu peux compter sur mon secours. Dans ce cas, tu
n’as qu’à venir à la côte et à m’appeler de la façon suivante : « Roi
des Poissons ! viens à moi, j’ai besoin de ton secours ! Roi des
Poissons ! m’abandonneras-tu dans le danger quand je t’ai laissé la
vie ! Roi des Poissons ! je n’ai d’espoir qu’en toi, et si tu ne
viens pas, la mort m’attend ! rends-moi ce que je t’ai donné ! »
Crois-moi, pêcheur, tous les services qu’il sera en mon pouvoir de te rendre
seront rendus. Si tu étais éloigné de la mer, demande de l’eau, et sur le
rebord d’un bassin, appelle-moi comme tu ferais au bord de la mer. Et ensuite,
lance cette eau aux quatre coins du monde. Cela me sera dit sur l’heure, et je
volerai à ton secours, mettant ta cause entre les mains des puissances de
l’air.
Ainsi parla le roi des Poissons. Le pêcheur ouvrit alors ses
filets et le laissa aller. Le roi des Poissons le remercia et lui dit
encore :
— Va chez toi. Ta vieille jument est pleine. Elle te
donnera un poulain qui fera ta fortune. Va, et ne m’oublie pas.
Le pêcheur rentra chez lui. Quelque temps après, sa vieille
jument donna un poulain qu’il sevra. Puis il vendit la mère et décida
d’entreprendre un long voyage, en compagnie du poulain.
Il voyageait déjà depuis un mois. Une certaine nuit, il vit,
sur la route qu’il suivait, briller un objet qui lui apparut comme un cercle de
lumière. Il descendit de cheval, s’approcha et vit que c’était une chaîne d’or
enrichie de pierreries et qui rayonnait comme un soleil couchant. Il se baissa,
la regarda un instant et la mit dans sa poche. À cet instant, son petit cheval
frappa du sabot sur le sol, et, à sa grande surprise, il lui dit ces
paroles :
— Laisse donc cette chaîne où elle est. Elle sera
reconnue tôt ou tard et causera beaucoup d’ennuis à son possesseur.
Rappelle-toi, mon maître, que bien d’autrui ne fructifie pas.
Mais n’écoutant que son désir de posséder un aussi bel
objet, il remonta sur son cheval, l’emportant avec lui, se disant que ce serait
une grande économie de chandelle que la possession de cette chaîne, et que les
ennuis ne pouvaient être grands : après tout, c’est lui qui avait trouvé
cette chaîne, et d’ailleurs, il ne la montrerait à personne.
Tout en faisant ces réflexions, il était arrivé près d’un
beau château. Il pénétra à l’intérieur et fit demander au maître de l’admettre
parmi ses ouvriers du parc, ne demandant pour tout salaire que sa nourriture et
un peu d’avoine pour son cheval dont il avait fait le vœu de ne jamais se
séparer.
Le maître, curieux de voir ce mendiant à cheval, et ce qu’il
savait faire, accepta la proposition et lui assigna un logement isolé pour lui
et son compagnon.
Peu de temps après leur installation au château, le maître,
en se promenant, remarqua que le cheval du pêcheur était plus gras, plus
propre, plus luisant que les siens, pour l’entretien desquels ses palefreniers
employaient une grande quantité de fourrage, d’avoine, de son, de brosses,
d’étrilles, de chandelle
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